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térébenthine de Venise. Si cette térébenthine est mêlée de quelques impuretés, on la passe à travers un tamis de crin.

On fait très-bien de tirer la térébenthine dans les pays où les mélèses sont très-multipliés, & ou l’on ne peut pas se procurer un bon débit de cet arbre car il est certain que cette opération l’énerve, & qu’il n’a plus ensuite d’autre valeur que celle de servir au chauffage, ou à faire du charbon.

Les anciens auteurs qui ont écrit sur l’histoire naturelle du Dauphiné, & sur-tout sur ses prétendues sept merveilles, n’ont jamais oublié d’admettre comme une des premières, la manne de Briançon… manna laricea, ou manne des mélèses. Elle n’est pas plus particulière à ceux de ce pays qu’à ceux de tous les autres. Ces auteurs n’ont pas manqué de la comparer encore à la manne des Hébreux dans le désert, qui devoit être recueillie avant le lever du soleil. Il est clair que si les Hébreux n’avoient pas eu d’autre nourriture, ils auroient été perpétuellement purgés, puisque celle des mélèses a la même propriété que celle du frêne.

Les vieux arbres n’en donnent point sur leurs tiges, mais simplement sur les jeunes branches ; les jeunes arbres en sont quelquefois tous blancs. Les vents froids s’opposent à sa formation au printemps & pendant l’été, & elle n’est jamais plus abondante que lorsqu’il y a beaucoup de rosée. Cette manne est une espèce de crême fouettée, par petits grains blancs &c gluans, d’un goût fade & sucré ; dès que le soleil est levé elle disparoît de dessus l’arbre. Jusqu’à ce jour cette manne a été peu employée en médecine.


Section V.

De l’utilité de la térébenthine dans les arts & en médecine.


En ajoutant de l’eau à la térébenthine, & en distillant ce mélange, on en retire ce qu’on appelle l’huile essentielle de térébenthine. Cette huile, dont l’usage dans les arts est très fréquent, soit pour les vernis, soit pour rendre les couleurs à l’huile plus siccatives, est un très-bon diurétique employé en médecine ; il pousse beaucoup par les voies urinaires, & plus vivement que la simple térébenthine ; mais, prise à haute dose, elle cause une grande soif, une ardeur vive dans la région épigastrique, & porte sur la poitrine ; il vaut mieux n’employer que la térébenthine simple.

La colofone, que mal-à-propos on nomme colofane est la térébenthine privée de la plus grande partie de son huile essentielle ; on s’en sert rarement pour l’usage intérieur : réduite en poussière & enveloppée dans de la toile de coton ou mousseline, & appliquée tout autour du col, on assure qu’elle arrête & dissipe les douleurs causées par l’inflammation des amygdales. On l’emploie encore sous forme de poudre, afin de dessécher les chairs molles & peu sensibles des ulcères de bonne qualité, par exemple, des engelures. Personne n’ignore la nécessité de la colofone pour souder en étain, & de quelle utilité elle est aux joueurs de violon, & autres instrumens à cordes.

la térébenthine, prise intérieurement, communique aux urines une odeur de violettes, & les détermine à sortir en plus grande quantité, presque sans preuve bien démonstrative.