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tr’elle & ses tiges de vingt à trente pieds de longueur ; enfin, qu’il est impossible que la racine seule puisse nourrir sur son seul pied huit à dix courges, citrouilles, dont quelques unes pèseront jusqu’à soixante ou quatre-vingt livres. Il en est ainsi pour le melon. 2°. Il faut compter pour beaucoup ces petits monticules de terre, placés de distances en distances sur les bras, & qui en font comme autant de nouvelles tiges. Enfin, tous les raisonnemens ne sauroient contredire une expérience fondée sur une coutume établie de temps immémorial, & couronnée par un succès habituel.

Les plus beaux melons sont choisis dans la melonnière, & portés au marché des villes voisines ; les tardifs, ou les mauvais & contrefaits des premiers, servent à la nourriture des bœufs & des vaches, & durent ordinairement jusqu’à ce que les courges aient acquis leur grosseur sur pied. Dans les pays où les fourrages sont chers, les melons sont une ressource précieuse.

Depuis le milieu de septembre, jusqu’au milieu d’octobre, on laisse les melons tardifs sur pied, afin qu’ils parviennent à la grosseur & à la maturité qu’ils sont susceptibles d’acquérir. On les récolte alors, on arrache leur fanne, & on laboure aussitôt pour semer les blés hivernaux.

Lorsque l’hiver est tardif, lorsqu’on prévoit que la végétation languira, ou aura de la peine a s’émouvoir au printemps, le cultivateur prépare une surface playte de terre sur le fumier ordinairement placé devant sa maison ou dans une basse-cour, il la couvre de quatre à six pouces de fumier, & il sème sur cette couche de dans cette terre les graines de melon. Il recouvre le tout avec des épines, afin que les poules & autres oiseaux de basse cour ne viennent pas gratter ou détruire les jeunes plants. L’embarras ensuite est de les transporter sur le champ : lorsque l’eau, pour les arroser, n’est pas dans le voisinage, il choisit un jour & un temps pluvieux qui assure sa reprise.

Quoique je préfère les méthodes les plus simples à toutes les autres, je conviens cependant qu’il y a un grand avantage à hâter le plant sur la couche, & à le transporter au champ du moment qu’on ne craint plus l’effet des gelées tardives. Le melon est originaire des pays très-chauds ; il n’est donc pas surprenant qu’il soit détruit par le froid, & sur-tout dans sa jeunesse, où la plante est si herbacée & si aqueuse. L’avancement de la plante pour le printemps, assure une plus prompte maturité de ses fruits pendant l’été, d’où dépend leur qualité, & plus de grosseur & plus de maturité dans les melons tardifs. Le grand point est que la terre qui entoure les racines, ne s’en détache pas lors du transport & de la transplantation. Au moment qu’on lève les pieds sur la couche, on doit les envelopper, avec la terre de leurs racines, dans une feuille de chou ou de toute autre plante, & ranger le tout au fond d’une corbeille : ces petites précautions ne sont point à négliger. On fera très-bien encore de semer autour des pieds que l’on met en terre, quelques graines de melons. Si les pieds transplantés périssent par une cause quelconque, on aura la ressource des plants venus de graine : & s’ils réussissent, on arrache ces derniers.