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qu’il est couché, la fraîcheur de l’air rend ce suc plus épais, & les rosées l’enlèvent ensuite de dessus les plantes ; car il est dissoluble dans l’eau. Lorsque ce fluide reste longtemps sur les plantes, il se répand sur toutes les parties extérieures, il bouche les pores, & nuit par conséquent à la végétation, en arrêtant la transpiration. Il attire ainsi les insectes qui piquent la plante & peuvent la faire périr.

Lorsque les rosées sont peu abondantes, le miellat reste sur les feuilles, & les plantes sont en danger ; il est à désirer alors qu’il survienne au bout de deux ou trois jours des pluies qui compensent les rosées. Le vent après la pluie ou après la rosée, aide beaucoup à dégager les plantes de ce suc. C’est par cette raison que les bleds qui sont dans des champs ouverts, sont moins sujets à cette maladie, que ceux qu’on a semés dans des enclos. On doit donc laisser un libre passage au vent dans les champs où les plantes sont sujettes à être miellées.

Lorsqu’il fait chaud, que les nuits sont sèches & qu’il n’y a point de vent, il est facile de reconnoître le miellat, si les jeunes épis sont en même temps décolorés, & si l’on sent sur les plantes un suc gluant.

Les principaux moyens de garantir les récoltes de cette maladie, sont de dessoler les terres : on a encore conseillé de fumer les terreins où l’on a sujet de craindre que la récolte ne soit miellée, avec de la suie préférablement au fumier ordinaire, parce que la suie fournit des sucs moins épais que celui-ci. On a remarqué que le froment semé le plus tard étoit le plus sujet à cette maladie, parce que le miellat étant produit, sur-tout dans l’été, les plantes semées trop tard sont alors tendres & propres à la production de ce suc. Lorsque, au contraire, le grain a été mis en terre de bonne heure, les plantes qui sont déjà vigoureuses en été ne fournissent presque point de miellat.

Lorsqu’un champ est miellé, & qu’il survient une pluie douce & sans vent, le suc dissous se répand sur toute la plante : s’il ne fait pas une pluie accompagnée de vent, ou que les rosées ne soient pas suffisantes, on court le plus grand risque de perdre toute la récolte. Quelques cultivateurs ont conseillé dans ce cas, de mener dans les champs des gens qui frappent doucement les plantes avec des branches de frêne chargées encore de leurs feuilles. On doit user de ce moyen avant le lever du soleil, ou du moins avant que le soleil ne soit fort ; parce que ce remède est plus efficace lorsque la rosée est encore sur les plantes.

On peut, au lieu de branches d’arbres, se servir d’une corde garnie d’un filet étroit. Deux hommes, avant le lever du soleil, entrent dans le champ, & marchant de front, ils le parcourent en faisant passer la corde ou le filet sur tous les épis qui se relèvent à mesure & se déchargent du miellat dissous par la rosée. Cette opération produit le même effet que le vent. Lorsqu’il n’y a eu ni pluie ni rosée, on tâche d’arroser le champ au moyen d’une pompe. Ce moyen est plus difficile que les autres à mettre en usage ; mais il est très-efficace, & peut être d’un grand secours pour des récoltes particulières.