Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/615

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

supérieure les condense, & les y réduit en pluie. Il est très-rare de voir clairement le sommet des hautes montagnes, parce que s’il y a un seul nuage sur l’horizon, (excepté au soleil levant & couchant,) il en est enveloppé, il ne peut l’être sans recevoir la pluie, sans soutirer les nuages : il est rare qu’il se passe plusieurs jours sans pluie. Telle est l’origine de ces sources, de ces fontaines que l’on trouve sur le sommet des plus hautes montagnes, & dont la manière d’expliquer leur formation a été si long-temps inconnue. Cette eau, presque perpétuellement sous-tirée des nuages, filtre à travers les scissures des montagnes, coule & s’enfonce dans l’intérieur de la terre, jusqu’à ce qu’elle trouve une couche d’argille qui en intercepte l’enfouissement, la force de la suivre, souvent à des distances qui étonnent. Telle est, par exemple, l’origine des fontaines salées de Franche-Comté, qui prennent leurs sources en Lorraine dans les montagnes des Vosges, à plus de trente lieues au-delà de leur sortie, &c. &c.

La disposition des montagnes explique pourquoi tel ou tel canton est fréquemment abîmé par la grêle, tandis que ceux qui l’environnent en sont exempts. Les montagnes brisent les directions du vent, & le contraignent à en suivre de nouvelles. Ainsi, en supposant que la grêle vienne par un vent d’ouest, & que ce vent rencontre une chaîne très-élevée, le pays situé derrière cette chaîne, & en ligne directe avec l’ouest, ne sera pas grêlé ; tandis que si le vent trouve une gorge dans ces montagnes, ou deux pics séparés, il portera la terreur & la désolation dans tous les lieux qui correspondent à leur embouchure. Actuellement, que le lecteur calcule du grand au petit, & en fasse l’application à son pays.

Dans le canton que j’habite, le vrai vent de nord ne souffle pas la valeur de six jours dans une année, & dure seulement pendant quelques heures. Il est le présage certain des vents d’est ou sud, & d’une continuité de plusieurs jours très-pluvieux ; tandis que dans la majeure partie du royaume ce vent assure le beau temps. Le nord nord-ouest est ici le garant des beaux jours. La chaîne des montagnes des Cévennes, du Velay, située du sud au nord, dirige ce vent contre la chaîne qui traverse le bas-Languedoc de l’est à l’ouest, & lui fait prendre une direction qui dérive de la première. C’est donc relativement à la hauteur, à la direction & au glissement des montagnes, qu’il convient de recourir lorsqu’on veut étudier la manière d’être de l’atmosphère d’un pays. Encore un trait, pour achever l’esquisse de ce tableau. Les deux premiers rangs inférieurs des montagnes qui sont au nord de Béziers, laissent entr’eux de grands vallons. Par une espèce de grande coupure formée à la longue par les eaux ou par les éboulemens de terre, les eaux débouchent dans la plaine. Lors des orages, les nuages suivent ces vallons, ces chaînes de montagnes, & semblent se réunir pour venir fondre sur la ville de Béziers ; mais après avoir parcouru l’espace de trois à quatre lieues qui se trouvent entre ces deux points, on voit l’orage, un peu avant d’arriver à Béziers, se partager en deux, & gagner à droite & à gauche, pour suivre d’un côté le vallon qui est di-