Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/617

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tons de l’intérieur du royaume, on le sème en octobre, novembre, février, mars, avril, mai, & pendant le reste de l’été ; la chaleur du climat le précipite & il monte presqu’aussitôt en graine qu’il est sorti de terre. Il en est ainsi d’une infinité de plantes potagères ; preuve démonstrative que les écrivains ont le plus grand tort de fixer une époque pour les semailles, à moins qu’ils ne spécifient clairement qu’ils écrivent pour tel ou tel canton en particulier.


MONTREUIL. Village situé à une lieue environ de Paris, au-dessus de la barrière du fauxbourg Saint-Antoine. Nous ne citons dans ce Dictionnaire ce canton, que parce qu’il est rempli de jardins où on cultive, avec le plus grand succès, les arbres fruitiers, & qu’il seroit à désirer que tous les jardiniers qui se destinent à la même branche d’économie, y eussent fait, avant de suivre cette culture, un apprentissage de quelques années. Ces superbes jardins, où l’on rencontre à chaque pas des phénomènes de culture, méritent d’être visités par les curieux, par les gens qui savent apprécier les beautés de la nature ; ils y doivent aller admirer des espaliers couverts de fruits monstrueux, & coloriés le plus agréablement : les étrangers y apprendront ce que peut l’industrie, soutenue pendant de longues années, contre les intempéries d’un climat froid, & dans une terre que le soleil réchauffe si rarement de ses rayons bienfaisans.

On cultive principalement à Montreuil des pêchers, & c’est sur-tout pour cet arbre que ce village est renommé, comme Montmorency l’a été pour sa belle espèce de cerise. La culture des pêchers est cependant plus en vigueur à Montreuil que celle des cerisiers ne l’est à Montmorency, où on l’a presque tout-à-fait abandonnée. À la vérité on cultive moins de pêchers à Montreuil qu’on ne faisoit autrefois, parce que ces arbres y sont sujets à être détruits par des insectes, & que les plantations qu’on a faites du côté de Vincennes ou de Bagnolet ne sont point sujettes au même inconvénient ; peut-être la nature différente de la terre, ou du moins les terreins dans lesquels on n’avoit jamais planté d’arbres fruitiers, favorisent moins la production de ces insectes destructeurs, que les terres qui sont déjà épuisées par une longue culture.

Les expositions des espaliers sont très-variées à Montreuil, & l’art de disposer des murs pour recevoir les rayons du soleil à différentes heures du jour y est très-étudié. Sur un espalier le soleil paroît à sept heures du matin, sur un autre à huit, à neuf ou à dix heures seulement. Les murs qui reçoivent le soleil à sept heures & demi du matin sont les plus favorables à la culture des pêchers, parce qu’ils sont éclairés plus long-temps que les autres. Ces différentes expositions sont causes qu’on a des fruits murs à différentes époques, même à de très-éloignées les unes des autres.

Les arbres bien abrités, plantés dans plusieurs pieds de bonne terre neuve, qu’on a le soin d’élaguer, d’émonder, de laver, de couvrir pendant les temps froids ou dans les brouillards, ces arbres, dis-je, ainsi traités, végètent avec force, ils se plient sous la main du cultivateur, ils prennent toutes les formes qu’il veut