Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/628

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petits manœuvres, sont presque toujours chargés de ce travail, & ils n’ont ni la force, ni la patience de le porter à sa perfection. On ne sauroit broyer le mortier trop long-temps, ni trop diviser les molécules de la chaux, & les amalgamer avec le sable. Si les maçons sont chargés de l’opération, ils commencent leur journée par broyer le mortier, & ils en préparent, à peu de chose près, autant qu’ils prévoient pouvoir en employer dans la journée. Il arrive que ce mortier est trop surchargé d’eau, & malgré cela, dans les grandes chaleurs de l’été, l’évaporation est trop forte, la cristallisation commence, il faut ajouter de temps à autre de l’eau pour renouveller la souplesse du mortier, & on dérange cette crystallisation d’où dépend la solidité de l’ouvrage. Il convient donc de veiller attentivement à ce qu’ils broyent le mortier après chacun de leur repas, c’est-à-dire trois ou quatre fois par jour, ou bien il faut que la même personne soit occupée à le préparer à mesure qu’on l’emploie. Ces détails sont trop négligés, on s’en rapporte trop à l’ouvrier à qui il importe fort peu que le mortier soit trop gras ou trop maigre ; les trois quarts du temps c’est un automate qui agit, qui broye aujourd’hui comme il le fit hier, sans examiner si la chaux est de même qualité, ou qui se hâte de broyer tant bien que mal, afin d’avoir plus de temps pour se reposer.

D’un autre côté, le maçon, si l’ouvrage est donné à prix fait, économise sur la quantité de chaux, & il augmente les proportions du sable ; dès-lors, le mortier en se sèchant, n’opère qu’une crystallisation imparfaite : le maçon épargne également le mortier dans la construction, & si on n’y veille de près, on trouvera, d’une pierre à une autre, ce qu’on appelle des chambres, ou vides, qui dans la suite deviendront le repaire des rats & des souris, & faciliteront l’ouverture de leurs galeries dans l’épaisseur des murs.

Si on fournit les matériaux aux maçons, & qu’on leur paye la main d’œuvre à tant la toise, on n’aura presque que des lits de mortier ; les pierres seront moins bien jointées, moins serrées les unes contre les autres, & à peine les ouvriers se serviront-ils de leurs marteaux pour les bien enchâsser dans le mortier. Le meilleur mur est celui qui est construit avec très-peu de mortier, où l’on n’a pas épargné les retailles ou petites pierres, afin de remplir tous les vides, & de ne pas laisser des masses trop épaisses de mortier ; enfin, celui où le marteau de l’ouvrier a beaucoup travaillé.

D’après ces observations, auxquelles on pourroit en ajouter beaucoup d’autres, on sent la nécessité où l’on est de suivre les ouvriers ; de prendre de temps en temps leur petit levier, de sonder entre les assisses de chaque pierre, afin de se convaincre par soi-même que la maçonnerie est bien garnie, qu’il n’y a pas de chambres, ni de trop forts dépôts de mortier. Si l’on s’aperçoit de quelques-uns de ces défauts, il n’y a pas à balancer, on doit faire lever un assise de pierre sur une longueur déterminée, afin de convaincre l’ouvrier que vous avez des yeux accoutumés à voir, que vous connoissez le travail ; enfin, il sera obligé de refaire l’ouvrage toutes les fois que vous le trouverez mauvais