Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/649

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ce remède, qui ne produisit aucun effet, puisque trois crevèrent le quatrième jour ; les autres personnes conseillèrent de leur faire casser la tête à tous, & de les jeter dans la rivière, afin, disoient-ils, d’empêcher les chiens bien portans, de flairer les malades, & de les préserver par ce moyen, de la même maladie….

» J’avoue que la sentence de mort, prononcée contre ces pauvres animaux, qui, par leurs cris plaintifs, & leurs regards nonchalans, sembloient demander aux hommes qui les environnoient, un remède beaucoup plus doux pour leur mal, que celui qu’on venoit de prescrire ; j’avoue, dis-je, que cette sentence excita en moi un mouvement de compassion, qui me porta à demander leur grâce, en promettant de faire tout ce qui seroit en mon pouvoir, pour leur procurer du soulagement. J’ordonnai qu’on coupât toute espèce de communication entr’eux & les chiens bien portans. Dès-lors, je cherchai quels médicamens je pourrois employer avec succès contre cette maladie. Je me ressouvins bientôt d’avoir lu dans le Journal encyclopédique, que quelqu’un avoit administré l’éther vitriolique à des chevaux malades ; mais je ne me souvenois ni du nom de la personne, ni du volume du journal où je l’avois lu ; je croyois seulement que c’étoit contre la morve des chevaux que ce remède avoit été donné. Je résolus aussitôt de donner de l’éther vitriolique de la manière qui suit :

» Je mêlai trente gouttes d’éther avec un demi-septier de lait dans une bouteille à large ouverture ; j’agitai fortement la bouteille, en appuyant le pouce sur l’orifice, pour faciliter le mélange, & éviter l’évaporation de l’éther ; pendant ce temps-là, une personne tenant entre ses jambes le chien, & les deux oreilles avec ses mains, tandis qu’une autre lui ouvroit la gueule, en tenant la mâchoire supérieure avec une main, & la mâchoire inférieure avec l’autre ; je versai en même temps la moitié de la liqueur dans le gosier, & je le fis lâcher ensuite un moment, pour lui donner plus de facilité à avaler : bientôt après je lui donnai l’autre moitié de la même manière. J’employai la même dose pour chacun. De neuf qu’ils étoient, il n’y en eut que deux qui prirent ce remède de bon gré, dans un plat qu’on leur présenta ; quant aux sept autres, il fallut le leur faire avaler de force : ce qui n’est pas difficile quand l’orifice de la bouteille qui contient la boisson, n’est pas aussi large que l’ouverture de la gueule du chien. »

» Vingt-quatre heures après, j’eus quelque satisfaction de mon essai ; je trouvai un changement total ; il n’y avoit plus d’éternuement l’écoulement des narines avoit diminué de moitié, & celui des yeux avoit entièrement cessé ; l’appétit étoit revenu, & la tristesse moins grande. D’après un changement si marqué, je ne crus pas nécessaire de réitérer le remède ; je voulus attendre au lendemain ; mais les ayant trouvé alors fort gais & jouant ensemble, je vis qu’il seroit inutile de leur en donner davantage, & au bout de quatre jours, huit furent entièrement guéris ; il n’y eut que le neuvième, qui étoit une chienne en chaleur, & dont la maladie étoit à un plus haut période quand j’en entrepris le traitement, à laquelle je donnai une seconde dose, & je fis