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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/69

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un mot, on est comme enseveli dans ses plantations ; la chaleur y est plus étouffante, & le serein dangereux.

On veut construire un parc, on fait venir un ordonateur de jardins, ou un architecte. Il examine le local, fait arpenter, lève le plan, retourne chez lui & dessine. Ce n’est pas ainsi qu’on doit se hâter ; les petites méprises tirent dans la suite à de grandes conséquences : je désirerais que l’ordonateur passât huit jours de suite sur les lieux dans chaque saison de l’année, afin qu’il eût le temps de connoître le local sous tous ses aspects, d’examiner, de remanier de nouveau son dessein général, de d’établir une concordance exacte entre chaque partie, je ne dis pas symétrique, mais une concordance de goût, une concordance d’ensemble. Le plan général une fois dressé, je le communiquerois à des connoisseurs, non pas à la foule de ce qu’on nomme amateurs ; j’irois avec eux sur les lieux, le plan à la main, j’en ferois une espèce d’application au local, avec le secours d’un nombre proportionné de jalons ; j’écouterois leurs critiques, saisirois leurs idées, & j’en conserverois une note fidèle. Un second & un troisième examen, fait par d’autres connoisseurs, serviraient de contrôle au premier plan & aux vues des seconds. Il est clair que sur un grand nombre d’objets de détails, il y aura des contradictions sans nombre, mais il est clair aussi que ce qui sera réellement beau, naturel & bien vu, sera généralement adopté. Malgré ces examens & ces visites réitérées, je laisserai encore mûrir ce plan entre les mains du premier architecte, & je lui communiquerai successivement les corrections indiquées, non sous le titre de corrections, crainte de blesser son amour-propre, mais comme des doutes, des vues, des probabilités qu’on soumet à son examen, avec prière d’y réfléchir. Quant aux objets qui auront été généralement critiqués, ils sont, à coup sûr, mauvais, & doivent être supprimés & suppléés par d’autres de meilleur goût. C’est un point sur lequel le propriétaire doit insister.

Le plan une fois arrêté, il doit demander un devis estimatif des dépenses, soit pour la fouille & le transport des terres, soit pour les bâtimens, les morceaux d’architecture, l’achat des arbres, des arbustes, leurs plantations, &c. &c. Je suppose que la dépense totale soit portée, par exemple, à trente mille livres, le propriétaire doit s’attendre qu’elle sera doublée avant que tout soit fini, & peut-être encore excédera-t-elle le double. C’est à lui actuellement à calculer s’il peut faire cette dépense sans se déranger, sans se gêner, sans nuire à son bien-être ; autrement c’est un fou, & un fou à lier, s’il a des enfans. Si ce propriétaire ne veut pas être trompé dans son attente, il doit demander à l’ordonnateur un devis estimatif de chaque objet en particulier, & dans lequel seront stipulés l’épaisseur & la hauteur des murs, les déblais & les remblais des terres, les plantations, &c. &c. &c. Tous ces points bien circonstanciés, il donnera le prix fait de l’exécution à l’ordonateur, & il veillera de très-près à ce que toutes les conditions du traité soient strictement remplies dans la pratique. C’est le seul moyen de ne pas excéder la dépense qu’on s’est proposé de faire.