Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/75

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désire de plus grands détails, il faut consulter son ouvrage, enrichi d’un très-grand nombre de gravures qui représentent des plans suivant les différentes situations, les modèles des parterres en tous genres, des bois, des bosquets, des boulingrins, des palissades ; des rampes, des glacis, des tapis de gazon, des portiques, des berceaux, des treillages, des fontaines, des bassins, des jets d’eau, &c. &c. Ces objets sont étrangers à cet ouvrage : cependant, pour avoir une idée précise de ces détails, il suffit de considérer la planche I, qui représente un magnifique jardin en ce genre, dont le sol est uni & de niveau.

Je ne crois pas pouvoir mieux terminer ce chapitre, qu’en rapportant les paroles de Michel de Montaigne, quoique de son temps l’art des jardins de plaisance fût pour ainsi dire inconnu. « Ce n’est pas raison, dit ce philosophe, que l’art gaigne le point d’honneur sur notre grande & puissante mère nature. Nous avons tant rechargé la beauté intrinseque de ces ouvrages par nos innovations, que nous l’avons du tout étouffée. Si est-ce que par-tout sa pureté reluit, elle faît merveilleuse honte à nos vaines & frivoles entreprises ».

Je suis bien éloigné de blâmer cette somptuosité, cette magnificence dans les jardins publics par exemple, aux Thuileries, modèle unique en ce genre ; dans les jardins des princes & des grands seigneurs : ces jardins en imposent par leur air de grandeur & de majesté, si toutefois on doit les qualifier de ces épithètes, & si la belle nature ne leur est pas préférable ; mais que de simples particuliers sacrifient une étendue considérable de terrein à des objets purement de luxe, & où ils ne promèneront jamais, c’est le comble du ridicule. Passe encore que ces particuliers décorent les parties voisines de leur habitation par des parterres, des boulingrins, &c. &c. ; c’est dans l’ordre reçu : il faut que tout ce qui avoisine l’habitation ait un air de propreté & d’arrangement ; pour tout le reste, on doit tout au plus un peu aider à la nature, & jamais ne s’écarter du naturel. C’est sur ces parcs que devroient peser les impôts puis qu’ils dérobent à l’agriculture les terreins les plus précieux & devenus inutiles ; mais malheureusement leurs possesseurs sont ceux qui en paient le moins. Une paroisse est écrasée parce qu’un financier s’est mis dans la tête d’acheter tous les champs qui l’environnent, d’en former un parc, & de faire refluer les impositions que ces champs payoient auparavant sur le reste de la communauté. Il en résulte que la misère est identifiée avec les villages peu éloignés des grandes villes, parce que la moitié, & souvent les trois quarts du territoire sont occupés par des gens exempts de tailles, &c. Heureuses sont les provinces où les impositions sont réelles & non personnelles, alors les parcs ne sont pas les destructeurs & les sang-sues du voisinage.

CHAPITRE VI.

Des Jardins Anglois.

Qu’est-ce qu’un jardin anglois ? C’est une campagne, belle par son site, riche par sa végétation, boisée