Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/122

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Bretagne. Il l’avoit regardé jusqu’alors comme une branche de fruiterie qui ne paroissoit pas devoir former un grand objet. Il fut détrompé par une personne qui avoit fait ce commerce pendant long-temps, & qui lui assura qu’il entroit chaque année par le seul port de Nantes, pour huit à neuf cent mille livres de noix. Qu’on regarde cette évaluation comme exagérée, qu’en conséquence on la réduise à la moitié, il restera encore quatre cent cinquante mille livres que la province paye tous les ans. »

Si on parcourt les provinces déjà citées, l’Angoumois, l’Agenois, une partie du Languedoc, tout le Dauphiné, le Lyonnois, le Forèz, le Beaujolais, l’Auvergne, &c. &c. on se convaincra que le montant de la récolte des noix, destinée à être convertie en huile, excède de beaucoup & de beaucoup la valeur de celle de l’huile d’olive qu’on fabrique en Provence & en Languedoc. Il est démontré que le peuple de plus de la moitié du royaume ne consomme d’autre huile que celle de noix. Revenons à la récolte des noix.

L’époque de la récolte n’est pas chaque année rigoureusement fixe dans le même canton, elle dépend de la saison. Elle varie également d’un climat à l’autre, & surtout par rapport aux espèces : le noyer de saint Jean n’est pas la seule de cette qualité ; on en compte plusieurs parmi la noix commune, qui sont plus ou moins tardives. L’époque à peu près générale, est depuis le milieu de septembre jusqu’à la fin d’octobre.

L’on connoît que le fruit est mûr, lorsque son brou ou enveloppe se crevasse & se détaché du fruit. Alors des hommes avec des perches longues, minces, & dont le bout est flexible, frappent successivement, & suivent toutes les branches du bas & de la partie à laquelle ils peuvent atteindre. Les grands coups sont inutiles & nuisibles, ils affectent, meurtrissent le jeune bois, & font tomber un grand nombre de feuilles encore nécessaires à la perfection du bouton ou œil, placé à leur base, qui doit pousser l’année suivante, & dont elles sont les mères nourricières. Il est très-rare qu’un bourgeon un peu fortement meurtri, donne du fruit l’année d’après.

Après ce premier battage, les mêmes hommes montent sur l’arbre, gagnent de branches en branches, & les gaulent successivement jusqu’à ce que tout l’arbre soit dépouillé de tous ses fruits. Il seroit à désirer qu’on pût cueillir les noix avec la main, mais la chose est impossible. Elles sont toujours à l’extérieur de l’arbre, & l’extrémité des branches est trop foible & casseroit sous le poids de l’homme. Les femmes, les enfans, les vieillards sont occupés à ramasser les noix par terre & à les mettre dans les sacs.

Si les noyers étoient renfermés dans une enceinte, si les propriétés étoient respectées, il seroit inutile d’abattre les noix, & on épargneroit aux rameaux un grand nombre de meurtrissures. Le vent seul, la maturité complette du fruit & le dessèchement de son pédoncule, suffiroient pour le détacher de l’arbre.

M. Hall, déjà cité, dit : il est essentiel de prémunir le cultivateur contre une erreur vulgaire. Comme il est difficile de cueillir le fruit à la main, on a contracté l’habitude de l’abattre avec des perches, & de cet usage, qui est un abus très-nuisible, est née une