Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

établit une sortie libre à l’air fixe qui est le conservateur du vin, & lui donne cet agréable piquant sans lequel le palais n’en apperçoit pas l’aromat. Par exemple, les vins des provinces du midi sont plats, mats, sans saveur, agréables mêlés avec l’eau… Examinons actuellement si l’odomètre est conforme aux loix de la physique, relativement au but que l’auteur se propose.

Chacun connoît la force de pression de la colonne d’air atmosphérique sur les fluides ; le baromètre en est un exemple frappant, ainsi que la pression de la lune sur les vastes eaux de l’océan d’où résultent le flux & le reflux. Les mêmes effets doivent, jusqu’à un certain point, avoir lieu sur une cuvée, & la surface de cette cuvée suivre en général les variations de l’atmosphère. Par exemple, lorsque la vendange, ou plutôt le marc n’est pas encore élevé en forme de croûte sur la cuve, ou dans la cuve, l’air doit peser sur cette cuvée, & faire refluer, à raison de son poids, la liqueur dans le tube Fig. 7. ; mais quand la croûte ou chapeau est bien formé, lorsqu’elle est affermie, lorsqu’elle fait voûte dans son milieu & qu’elle presse fortement par sa base contre les parois de la cuve, cette voûte empêche l’action de l’air sur la liqueur, tandis que l’air porte directement sur la liqueur du tube, & la fait refluer dans la cuvée & dans le marc, toujours à raison de son poids. Ainsi supposons, dans un temps beau & serein, la fermentation à son maximum, alors la croûte est très-ferme, très-solide & très-élevée, & la liqueur est au plus haut point dans le tube… Que dans ce moment il survienne un orage, une tempête, l’air devenu plus léger que dans le temps serein & qu’auparavant, laissera monter la liqueur dans le tube, & plus haut qu’elle n’auroit monté dans le temps serein & pesant. On prendra donc alors, pour l’effet du maximum de la fermentation, ce qui est l’effet de l’air. Le mouvement rétrograde de la liqueur qu’on attend, viendra donc cinq, six, huit, & même dix heures plus tard. Si, au contraire, l’air de l’atmosphère est léger quelque temps avant le maximum, & qu’il devienne ensuite pesant, cette pesanteur contrariera le maximum, & la jauge œnomètre restera au point où elle étoit, ou descendra plus bas, ou ne s’élèvera peut-être que d’une ligne, &c.

La véritable conclusion à tirer de ce qui a été dit, c’est que l’œnomètre n’est pas nécessaire, qu’il est un indicateur infidèle, qu’il nuit essentiellement à la qualité du vin, par la perte immense d’air fixe qu’il occasionne, & qu’il mérite à tous égards d’être placé à côté de la découverte du double fond de la cuve. L’auteur a inventé ces deux instrumens, mais avant de publier leur description, en a t-il fait des essais capables de lui assurer la confiance publique ? Je ne le crois pas. L’un est impraticable dans toute l’étendue du mot, & l’autre, un joujou pour amuser les enfans. Le mémoire auquel l’accessit été donné, est fait de main de maître, & M. Mourgues dit avec raison qu’il n’a encore paru aucun ouvrage supérieur en ce genre. Il est étonnant que MM. les commissaires, qui ont déterminé le jugement de l’académie, n’aient pas reconnu l’impossibilité pratique du double fond, & l’inutilité de l’odomètre, les deux seuls points dans ce mémoire, qui appar-