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son fruit avant sa feuille qui a la forme d’un trèfle.

« Mûriers greffés. La première est la reine à feuilles luisantes & plus grandes qu’aucune des sauvages ; son fruit est de couleur cendrée. La seconde, la grosse reine, à feuilles d’un vert foncé & à fruit noir. La troisième, la feuille d’Espagne : cette espèce est extrêmement matte & grossière ; feuilles fort grandes ; fruit blanc & très-alongé. La quatrième, la feuille de flocs : elle est d’un vert foncé, à peu près semblable à la feuille d’Espagne, mais moins alongée, elle est à bouquets sur ses tiges ; son fruit est très-multiplié, & ne vient jamais au point de maturité. »

Ces définitions sont aussi exactes qu’elles peuvent l’être pour des espèces jardinières, & elles désignent le véritable observateur ; mais sont-elles invariables ? c’est autre chose. J’ai vu ce que l’auteur appelle mûrier sauvage à feuilles roses, donner des fruits noirs & assez gros ; & la même singularité a eu lieu sur celui qu’il nomme feuille d’Espagne. Les mûriers de la partie du Languedoc où je me suis retiré, approchent beaucoup des espèces des environs d’Aix. J’ai comparé les uns aux autres, & cette comparaison m’a fait reconnoître beaucoup de variétés secondaires de ces espèces qui sont déjà elles-mêmes des variétés.

D’après ce qui vient d’être dit, il est démontré qu’on ne peut établir aucune bonne nomenclature pour tout le royaume, & qu’il faut se contenter de la distinction que j’ai établie entre le mûrier sauvageon & le mûrier rose. Ce n’est pas le cas d’examiner ici si la feuille du mûrier greffé est bonne pour la nourriture du ver à soie, ou meilleure que celle du mûrier non greffé ; il en sera question dans le chapitre douzième de cet article.

CHAPITRE II.

Du sol & de l’exposition qui conviennent au Mûrier.

Le point essentiel dans la culture de cet arbre, est de lui faire produire beaucoup de feuilles & de bonnes feuilles. Par bonnes feuilles, je n’entends pas les plus larges, ni les plus succulentes, mais celles dont les sucs nourriciers ont les qualités convenables à l’éducation du ver, & à la beauté de la soie ; enfin, celles qui ne sont pas tachées par les brouillards.

I. Le climat influe singulièrement sur la qualité de la feuille. Quoique le mûrier réussisse très-bien depuis les bords de la Méditerrannée jusqu’en Prusse, la feuille est abreuvée & nourrie par des sucs plus raffinés dans le midi, que dans le nord ; en un mot, la feuille est plus soyeuse & son principe soyeux moins noyé dans le véhicule aqueux. La rareté des-pluies, & la grande chaleur soutenue, bonifie la séve de ces feuilles, comme celles des raisins, des abricots, des pêches, &c. ; enfin celle de tous les arbres originaires des régions chaudes, telles que la Chine, la Perse, la Grèce, l’Arménie, &c. Il est certain que dans le nord, toutes circonstances égales quant à la qualité de l’espèce de mûrier les feuilles y seront plus amples, plus juteuses, plus vertes, parce que leur principe séveux est presque entièrement aqueux. Il en est de ces