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effritent beaucoup la terre, & absorbent une grande quantité d’humus ou terre végétale. Un bon cultivateur ne sème pas deux fois de suite de l’orge dans le même terrain.

Cette espèce de grain ne réussit jamais mieux que dans les champs où l’on a cultivé des pommes de terre, des raves, de gros navets nommés turneps par les Anglois, parce qu’il a fallu profondément défoncer la terre, afin de tirer de terre leurs bulbes ou leurs racines : alors l’orge trouve un sol bien défonce, & il profite singulièrement.

Dans les pays montagneux & froids l’orge exige des engrais, surtout si le terrain a peu de fond & s’il est de médiocre qualité : il en est de même dans le pays plat où cette récolte est intéressante, soit pour la confection de la bière, soit pour la nourriture des chevaux, &c.

Je n’ai cessé jusqu’à ce moment de répéter que les labours ou les défoncemens de terre devoient être proportionnés à la longueur des racines des plantes que l’on sème. D’après ce principe, les labours pour l’orge doivent être profonds, quoique certains auteurs aient dit que ses racines ne plongeoient pas à plus de trois ou quatre pouces : j’ai la preuve la plus complette qu’elles s’allongent de sept & même de huit pouces. Si elles recoupent sur la superficie, si au lieu de s’enfoncer, elles multiplient leurs chevelus & forment une touffe, ce n’est pas la faute de la plante, c’est celle du cultivateur qui n’a pas assez fait entrer le soc de la charrue ; aussi la récolte est médiocre, à moins que la saison ne soit très-favorable, ou que le sol n’ait été enrichi par une bonne couche de fumier.

L’orge que l’on sème avant l’hiver exige les mêmes labours préparatoires que le froment, le même défoncement, & il demande à être semé avant lui par un temps sec. S’il pleut, si la terre est trop humectée, le grain pourrit, le champ destiné à être semé en orge après l’hiver, demande un fort labour croisé après qu’on a fini les semailles des seigles & des fromens. La pluie, les neiges, les gelées prépareront la terre soulevée par la charrue. (Voyez le mot Labour) Dans les cantons où la saison permet quelquefois de tracer des sillons pendant l’hiver, on fera très-bien de saisir cette occasion, & de donner encore un labour croisé, & s’il est possible, plus profond que le premier, afin de soumettre à l’action des météores une plus grande masse de terre. (voyez le mot Amendement) Enfin aussitôt après l’hiver, ayant toujours égard au climat, on labourera, on recroisera de nouveau, enfin on sèmera & on hersera.

Plusieurs écrivains portent le scrupule jusqu’à fixer la quantité de semences à répandre sur une étendue donnée d’un champ : j’admire leur exactitude sans pouvoir l’imiter. Il suffit de dire que l’orge d’hiver doit être semée le double plus clair que celle de mars, parce qu’elle a le temps de se fortifier & de préparer un nombre considérable de tiges qui s’élèveront au retour de la belle saison. L’orge de mars est presque toujours trop pressée par la chaleur, à moins que le climat ne soit naturellement froid ou très-tempéré ; elle se hâte de mettre ses tiges en petit nombre, & elle ne peut pas taller. Dans l’un & dans l’autre