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CHAPITRE II.

Des propriétés alimentaires des pavots.

L’huile que l’on retire du pavot dit œillet, est douce, agréable, elle sent la noisette, ne se coagule pas, même aux degrés 10 & 15 de froid, division de Réaumur ; elle contient beaucoup d’air ; elle se conserve très-longtemps sans rancir ; enfin, après l’huile d’olive appelée fine, c’est la meilleure & la plus agréable pour les apprêts de toute espèce d’alimens, cuite ou à froid. Son seul défaut est de ne pouvoir servir à brûler dans la lampe. De toutes les huiles connues c’est celle qui adoucit le mieux l’huile d’olive lorsqu’elle a une saveur forte & piquante.

Qui croiroit qu’une huile si saine & si douce ait été, pendant un laps de temps considérable, prohibée en Erance ? Le funeste hiver de l’année 1709 fit périr presque tous les oliviers &. les noyers du royaume ; il fallut recourir aux huiles tirées des graines, telles que celles du colsat, de la navette, de la cameline, &c. ; (consultez ces mots) mais elles ont toutes une odeur forte &. une saveur désagréable. L’huile d’amandes se conserve tout au plus pendant quelques semaines d’été sans rancir ; elle est d’ailleurs trop chère, ainsi que celle de noisette, pour servir aux usages journaliers du peuple : celle de faine, voyez Hêtre, suffit à la petite consommation de quelques provinces, enfin celle du coquelicot & du pavot blanc ou noir pouvoit suppléer celle que l’on venoit de perdre. L’introduction de cette huile & la culture du pavot qui commençoit à prendre faveur en France, dérangèrent les spéculations de quelques négocians qui tiroient de l’étranger une quantité d’huile d’olives proportionnée á la consommation immense de la capitale & des principales villes du royaume. Il fallut persuader aux consommateurs que l’huile de pavot étoit assoupissante & dangereuse, puisque c’étoit de la capsule qui renferme la graine, qu’on tire l’opium. (Consultez ce mot) Un raisonnement aussi spécieux vola de bouche en bouche, l’œillette fut décriée, & les seuls marchands surent à quoi s’en tenir ; ils la coupèrent par tiers, par quart ou par moitié, avec l’huile d’olive étrangère qu’elle adoucissait, & ils vendirent ce mélange au public pour l’huile la plus douce & la meilleure.

Ce Rit environ en 1715 ou 1716, que l’on conçut & repandit des soupçons sur la qualité de cette huile. Des plaintes furent portées à M. le lieutenant général de police de Paris. Ce magistrat consulta, en 1717, la faculté de médecine de Paris qui nomma, le 28 juin de la même année, des commissaires pour procéder à l’examen le plus scrupuleux de la qualité de cette huile. Les expériences furent faites en présence de plus de quarante docteurs assemblés, & ils répondirent au magistrat, que cette huile ne contenoit rien de narcotique ni de nuisible à la santé, & que l’usage devoit en être permis… Cum sensuissent, est-il dit dans les registres de la faculté, tom. XVIII, page 150, doctores nihil NARCOTINE aut SAMTATI INIMICI in se continere IPSIUS USUM tolerandum esse existimarunt.

D’après une décision aussi formelle, survint, le 17 janvier 1718, une sentence du châtelet, qui ordonne à