Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/493

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posées : il est donc rigoureusement démontré qu’il est absurde de juger de la qualité d’une plante par la propriété d’une seule de ses parties. À quoi seroient réduits les malheureux nègres de nos îles, si la fécule de la cassave (voy. ce mot) étoit un poison aussi terrible que l’eau qu’on retire par l’expression de cette racine ?

II. De la qualité sécative. Il est à peu près reconnu que de toutes les huiles, celle d’olives est la moins sécative ; mais si elle étoit, par cette raison, la seule susceptible de servir à la préparation des alimens, elle coûteroit au moins cent sols la livre en France, & le double dans les royaumes du nord. Heureusement les huiles de pavots, de colzat, de navette, de cameline, de noix, &c. fournissent au moins les trois quarts de la consommation qui a lieu en Europe. Le peuple même des parties élevées des provinces de Languedoc & de Provence, ne connoit gueres que l’huile de noix ; celui du Dauphiné, du Lyonnais, du Forez, du Beaujolois, de la Bourgogne, de l’Orléanois, de la Saintonge, de l’Angoumois, de la Guyenne, &c. &c, n’employe en général que celle-là. Toutes les provinces du nord du royaume fournissent à leurs habitans les huiles tirées des graines ; l’Allemagne entière n’en connoit pas d’autre, & cependant ces huiles sont sécatives & partout employées pour les couleurs. L’estomac & les entrailles de cette multitude innombrable d’habitans ne sont pas desséchés, & personne au monde, excepté à Paris, ne s’est avisé de dire que leur usage fût nuisible & dangereux.

Les gens intéressés à la prohibition de ces huiles, oublient d’ajouter que pour rendre ces huiles sécatives, on les fait cuire à feu lent & pendant long-temps, afin que l’air de combinaison qu’elles contiennent, entraîne, en s’échappant, une partie de leur eau de composition ; enfin, que l’on est obligé d’ajouter à ces huiles, pendant leur cuisson, un nouet contenant de la litharge en quantité proportionnée à celle de l’huile : voilà ce qui les rend sécatives & en forme une espèce de vernis.

L’exemple de tous les peuples de l’Europe prouve donc la salubrité des huiles qu’on ne peut retirer que des substances émulsives ; enfin, que quoiqu’elles puissent devenir sécatives par art, & dès-lors propres à l’emploi des couleurs, elles n’en sont pas moins saines, & suppléent, parfaitement, quant au fond, l’huile d’olive ; elles sont moins délicates, il est vrai, que l’huile fine de Provence, mais l’huile de pavot, par-dessus toutes les autres, mérite la préférence : je dis plus, elle est, à tous égards, supérieure à l’huile d’olive qui commence à prendre un goût fort.


CHAPITRE III.

Observations sur les avantages qui résulteroient de la culture & de la protection accordée à la culture du pavot & à la fabrication de son huile.


J’ai insisté, dans le chapitre précédent, sur les qualités douces & salutaires de l’huile de pavot, afin de détruire une erreur malheureusement trop enracinée & trop générale. Puissent les personnes qui aiment le bien public s’unir avec moi pour le même objet, & mettre dans leur