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correspond est rendue humide par la séve qui s’extravase lorsqu’elle descend des branches aux racines. Si on ne voit pas sur les plaies extérieures faites aux arbres à pépins, les mêmes concrétions que sur celles des arbres à noyaux, c’est que la séve s’évapore sans laisser comme dans ceux-ci un résidu gommeux ; mais sa perdition n’en est pas moins réelle, ainsi que son extravasation par la plaie du pivot amputé : ceci n’est pas une supposition hasardée, mais un point de fait réel dont chacun peut se convaincre, & si, dans tout cet ouvrage on a sans cesse conseillé l’application de l’onguent de Saint-Fiacre sur les plaies, c’est autant pour s’opposer à l’évaporation de la séve, que pour les mettre à l’abri du contact immédiat de l’air, du hâle, des effets du soleil, &c.

Cette humidité constante & trop forte dont la terre est abreuvée par l’exsudation de la séve, & qui touche immédiatement & abreuve sans cesse la plaie de l’ancien pivot, s’oppose en grande partie à sa prompte cicatrice, parce que les fibres de la circonférence sont trop lâches, & il arrive souvent que cette plaie ne se ferme jamais, que la pourriture s’y établit, qu’elle devient chancreuse, & le mal gagne de proche en proche la partie supérieure.

Si les coupeurs de pivots, les mutileurs de racines, prenoient la peine d’étudier la marche de la nature, ils verroient que l’arbre ne reprend qu’autant qu’il pousse de nouvelles racines, qui, pour la plupart, deviennent elles-mêmes des pivots, mais jamais aussi forts, aussi bien constitués que le premier. Il étoit donc plus naturel d’éviter ce nouveau travail à l’arbre. Il auroit donc eu pour son accroissement, & la séve qui a été extravasée par la plaie, & celle qui a été absorbée par la formation des nouveaux pivots & des nouvelles racines ; sa végétation auroit donc eu une force comme trois, tandis qu’elle n’a été pendant longtemps que comme un, & encore comme un souffrant & languissant.

De la soustraction du pivot, résulte souvent un vice très-essentiel, c’est que l’arbre jette d’un seul côté ses nouvelles racines pivotantes, & la végétation des branches suit le même ordre. Cependant c’est de l’équilibre parfait des branches de l’arbre, soit en espalier, soit à plein vent, &c., que dépend sa bonne organisation & l’agrément du coup d’œil. Bientôt la partie la plus foible maigrit, devient étique, & périt faute de nourriture qui lui est enlevée par la partie la plus végétante.

Je demande à tous les forestiers si les arbres venus de brins ne méritent pas la préférence sur ceux venus de souches, ou replantés ? Cette même différence est marquée dans la texture & la force du bois ; les ouvriers qui l’emploient en savent bien faire la différence ; la durée de ces bois mis en œuvre, prouve ce que j’avance. Le pivot contribue donc à la bonne végétation de l’arbre, mais encore à sa bonne santé, à sa plus longue existence, & à la supériorité de son bois.

Voici encore un point de fait que personne ne peut nier, & il suffit que l’homme le plus grossier ait des yeux pour s’en convaincre. Mettez un noyau en terre, & considérez avec quelle vigueur poussera