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& noyés, les feuilles perdent leur forme ; de rondes ou de triangulaires, &c. qu’elles étoient, elles s’alongent comme les cheveux, telles sont les renoncules, & plusieurs espèces de saule. Dans les pays élevés, au contraire, les feuilles inférieures sont grandes, entières, & les supérieures plus découpées ; telle est la pimprenelle, &c. La ciguë d’une odeur si nauséabonde, diminue de virulence à mesure qu’elle s’éloigne du midi & se rapproche du nord, le raisin perd son parfum, la pêche acquiert de l’aquosité & devient fondante en perdant de son aromate, &c.

Par la culture, l’homme se crée, pour ainsi dire, de nouvelles productions. Il tire des marais le persil, le céleri, &c. Ils embaument l’air dans ses jardins, & font l’agrément de sa table, tandis que l’un & l’autre sont de véritables poisons dans leur pays natal.

Conduite par la main vigilante du fleuriste, l’humble violette produit une fleur dont la grosseur approche quelquefois de celle de la rose de Bourgogne ; la sauvage anémone, la simple renoncule sont métamorphosées en fleurs superbes, & qui font l’ornement des parterres ; le petit œillet à fleurs simples & chétives, étonne par son volume, sa forme, & la belle variété de ses couleurs. Toutes les plantes, en un mot, s’accroissent par ses soins, s’embellissent & se perfectionnent ; jusqu’au coquelicot même, au pied d’alouette, la peste des moissons, décorent les parterres des couleurs les plus variées & les plus surprenantes. Ô homme ! quelle est donc ta puissance, vois ce que tu opères, & considère ce que tu pourrois faire encore !

Le sol contribue singulièrement à perfectionner ou à dénaturer les plantes. Ici, le buis le dispute en hauteur à nos arbres fruitiers les plus élevés ; là, il est humble, & n’ose s’élever qu’à quelques pouces ; mais transportez-le dans son pays natal, il brise les chaînes de la servitude, & reprend sa première vigueur. Quelle distance immense entre les racines des carottes, des scorsonères, des salsifix, des betteraves, cultivées avec celles de ces individus, qui croissent spontanément dans les champs ! Quelle différence entre le cardon en fleur, dont la hauteur est de six à sept pieds dans les provinces du midi du royaume, & celle de ce même cardon qui y végète naturellement sur les lisières des grands chemins ! &c.

Certaines couleurs affectent le plus souvent certaines parties des plantes. Le noir est particulier à plusieurs racines & à plusieurs semences ; mais on ne connoît aucune fleur vraiment noire ; les couleurs sombres tiennent toujours du violet foncé. Les tiges, les feuilles & les calices, sont ordinairement verts, & très-rarement les fleurs ; le jaune est très-commun dans les étamines, & principalement dans les fleurs d’automne & dans celles composées de demi-fleurons ; le blanc très-fréquent dans les fleurs du printemps & dans les fruits doux ; le rouge, dans les fleurs d’été & dans les fruits acides. La couleur rouge des fleurs se métamorphose souvent en blanc, ainsi que la bleue, la rouge ; le blanc en pourpre ; le bleu en jaune, & le rouge en bleu ; mais quelle est la cause de tant de vicissitudes, & de l’inconstance de ces couleurs ? Le