Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des positions inclinées contre terre, afin de garnir les vides, on n’y parvient jamais. Ces prétendues branches auxiliaires périssent peu à peu, & le mal devient sans remède. Il ne faut dans un espalier que des arbres nains, des nains sur franc & très-espacés les uns des autres. Si on a la manie des arbres plantés près-à-près, qu’on arrache donc les voisins à mesure que celui qui doit rester en place pousse & alonge ses bourgeons. Lorsque je donne ce conseil, ce n’est pas que je l’approuve ; au contraire, je persiste à dire que c’est une absurdité ; mais je le donne comme par accommodement à ceux qui veulent qu’un mur soit promptement garni. Si les branches s’allongent, il est clair que les racines doivent s’alonger aussi ; & si l’on ne supprime pas à propos l’arbre surnuméraire, ses racines appauvriront celles de l’arbre qui demande à être conservé.

La taille du poirier n’a rien de particulier. Sa première taille est celle d’hiver. On peut la commencer dès que les feuilles sont tombées naturellement & non par-accident, par exemple, par une gelée trop précoce. La chute des feuilles indique que la sève ne travaille plus assez pour entretenir la sinovie de leur articulation avec la branche. Par sa dessiccation les points de suture se désunissent, & la feuille tombe… Les jardiniers appellent seconde taille, celle qui précède la sève d’août. S’ils entendent par cette expression véritablement tailler tous les bourgeons, les tous arrêter ou raccourcir, c’est une méthode absurde, puisqu’à la taille de l’hiver suivant il faudra encore raccourcir ces bourgeons ou raccourcir la pousse nouvelle qu’ils auront donnée. Ce genre de taille est tout au plus applicable aux arbres disposés en buisson, vulgairement nommés en gobelet ; & il vaut mieux n’y pas toucher, car plus on abat de bois, & plus il en pousse de nouveau. On ne rabat ainsi que lorsqu’il s’agit de garnir quelques places vides, ou de dompter un gourmand, ou de rétablir l’équilibre entre toutes les branches de la circonférence. Si le buisson n’est pas dans un de ces trois cas, laissez les bourgeons livrés à eux-mêmes, vous serez à temps de les rabattre à la taille d’hiver.

Quant à l’arbre, on ne doit point le tailler, mais simplement palisser ses branches à mesure qu’elles poussent, & leur donner une attitude naturelle & jamais forcée. Mais si des bourgeons s’élancent sur le devant de la branche, s’ils sont inutiles, on ne doit attendre aucune époque pour les abattre en entier. À quoi sert de leur laisser faire un grand travail inutile & nuisible à l’arbre, puisque leur mauvais placement nécessite leur soustraction ? Il est donc prudent de prévenir une perte de sève qui auroit été vraiment utile aux branches voisines. Le grand point est de palisser souvent (consultez ce mot') & autant de fois que le besoin l’exige. Il est bon d’observer que les arbres dont on laisse pousser les branches en liberté, donnent rarement des bourgeons inutiles & en quantité considérable, tandis que ceux qu’on taille & raccourcit sans cesse, en poussent de toutes parts de nouveaux. Ces derniers se vengent de la mal-adresse des jardiniers, & c’est peu à peu aux dépens de leur force. Lorsque cet arbre ne pousse presque plus de bois, les jardiniers disent qu’ils l’ont