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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/21

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mais uniquement parce que ces plantes, semblables à des manteaux étendus sur les branches, les privent des influences de l’air & de la lumière du soleil. L’arbuste sarmenteux, appelé bourreau des arbres, les fait périr en s’entortillant en spirale autour de leur tronc, & les serre avec une telle force, que bien-tôt il s’enfonce dans leur propre substance, & finit par intercepter le cours de la séve. Plusieurs chèvre-feuilles produisent le même effet sur les arbres & sur les arbrisseaux ; & toutes les espèces de liserons sur les herbes.

La vigne, dit-on, est en sympathie avec l’ormeau, avec l’érable, avec le cerisier, ce fait n’est pas plus vrai qu’avec tel autre arbre, même avec le noyer. Dans la partie de France du côté des Échelles, en Savoie, on marie la vigne avec le noyer, malgré son épais feuillage ; en Italie avec le peuplier, &c. ; mais il faut observer que les sarmens ne portent du fruit que dans la partie qui jouit directement des bienfaits de l’atmosphère. L’olivier se plaît avec l’aloès, c’est que cette dernière plante concentre sous ses larges & épaisses feuilles, une certaine humidité ; d’ailleurs l’aloès, ainsi que toutes les plantes grasses, depuis l’aloès à toile d’araignée, jusqu’au cierge du Pérou, qui s’élève à la hauteur de plusieurs étages, se nourrissent presque entièrement des principes disséminés dans l’air. L’humidité de la terre est au contraire très-préjudiciable à ces plantes. On dit que l’agaric se plaît avec le cèdre, l’asperge avec les roseaux ; que le cacao croît avec vigueur sous l’ombrage de l’ébénier ; que la férule prospère sous les arbres résineux, & les aconits & les solanum près des ifs ; que le pavot colore les moissons, le nénuphar aime la renoncule, & la rue aime le nénuphar ; que le lys s’élève orgueilleusement près de la rose, que celle-ci à côté de l’ail semble plus brillante & plus parfumée, & par un effet contraire, ne se plaît pas près de l’oignon. On dit encore que le basilic sèche près de la rue, que le chou se flétrit près du cyclamen ou pain de pourceau ; que le chêne n’aime pas l’olivier ; que la vigne fuit le laurier, & que la ciguë périt près de la vigne. Je ne réponds d’aucun de ces faits ; mais s’ils sont aussi vrais qu’on le prétend, il faut observer si le sol n’est pas la cause de ces contrastes, & je puis répondre avoir vu une très-belle ciguë dans une vigne dont le sol étoit humide. Il n’est pas étonnant qu’une plante aquatique dépérisse dans une vigne pour laquelle on choisit avec raison le sol le plus sec & le plus aéré.

Je suis bien éloigné de nier que toutes les plantes se plaisent mutuellement dans le voisinage les unes des autres. À coup sûr, la nombreuse famille des plantes grasses attirera plus puissamment l’humidité & les principes de l’air que les plantes sèches, telles que les giroflées, &c. qui seront dans leur voisinage. Les sédum, les joubarbes, végètent sur les murs, ainsi que quelques politrics, le nombril de vénus, &c. ; & si l’on plaçoit à côté d’eux d’autres plantes moins attractives de l’humidité, elles périroient. Preuve bien convaincante de la sagesse de l’Être suprême, qui a désigné à chaque végétal la place qu’il doit occuper sur le globe. Pourquoi le saule, le peuplier, &c. aiment-ils par-dessus