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ont à peu près les mêmes qualités que les sensitives, & ces dernières en ont qui leur sont propres. Si je puis fermer les feuilles de l’abrus à midi, glicine abrus, Lin. pois d’Éthiopie, & les rouvrir lorsqu’il me plaira, on conviendra que je connois la cause de leur changement de position. Si je puis fermer de même celles de la sensitive sans les toucher, en écartant la cause qui les tient droites & ouvertes, on conviendra que je connois la cause de leur mouvement.

À l’aide d’un bon microscope, on découvre les plus petits vaisseaux des feuilles, & l’on voit entre leurs deux pellicules qui sont des continuations de l’enveloppe extérieure de la tige, ramper une infinité de grosses fibres, & quantité de petites, dont la forme est extrêmement variée. Les plus gros vaisseaux sont d’une substance ligneuse, creux, & vont en diminuant à commencer de la base de la feuille. Il se rétrécissent dans le pétiole, & c’est la moelle de l’arbre qui le fournit… Ils servent à soutenir la feuille dans sa position naturelle ; & cette position change lorsque quelque cause interne ou externe les affecte… Telle est la structure de la partie soumise à l’influence dont je parle ; il ne s’agit plus que de connoître ce qui l’affecte, & pour y parvenir, il nous reste à examiner ce qui a le pouvoir de le faire.

Les feuilles ainsi construites, sont toujours environnées d’air, & alternativement soumises à l’action de la chaleur, de la lumière & de l’humidité. Comme l’air varie sans cesse, on doit regarder les altérations qu’il éprouve comme les causes subordonnées de ce changement… Ce ne sont pas là les seules causes qui agissent & influent sur les plantes ; c’est parmi ces agens que l’on doit chercher la cause du changement dans les feuilles. Ils sont naturellement compliqués, & il y a des occasions où ils agissent tous ensemble. Il faut donc observer les effets qui résultent de leurs combinaisons mutuelles dans leur état naturel.

C’est dans les feuilles ailées, qui sont composées de plusieurs lobes ou de feuilles plus petites, portées par un même pétiole, que ce changement de position est sur-tout remarquable. Tenons-nous-en donc à celles-ci.

Les quatre agens dont je viens de parler sont répandus dans l’univers ; mais leurs effets varient suivant les climats. En Angleterre, pays tempéré, les plantes qui ont des feuilles ailées, ont leurs lobes parallèles à l’horizon, & elles montrent peu de sensibilité. Dans les régions orientales, où la chaleur est plus grande, ces lobes ont la pointe tournée en haut, & changent aisément de position ; la plupart de celles d’Égypte en changent aussi ; dans les contrées septentrionales, au contraire, leur position est très-rarement horizontale, & ne change presque jamais. Les mêmes observations nous montrent que ces feuilles ne sont pas moins affectées dans le même royaume, dans les saisons sèches & pluvieuses. Dans les endroits où les pluies sont fréquentes, un changement de position dans les plantes ailées, est sûr & immanquable. Celles dont les lobes forment dans le beau temps un angle obtus en dessus, en forment autant en dessous dans un