Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/268

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ravant, que la fertilité de ce champ y est même assurée pour quelque temps. Ce n’est pas certainement que ces racines ajoutent au sol quelqu’engrais qui le fertilise ; mais les profonds labours que la terre reçoit en automne & au printemps, l’engrais qu’on y employé, l’obligation dans laquelle on est d’émietter, de briser les mottes, de sarcler, de butter, de ramener la terre à la surface ; enfin, tous les soins que demande cette culture jusqu’à la récolte, divisent la terre, la fertilisent sans que le laboureur soit nécessité à des avances trop longues, puisqu’elles sont payées immédiatement par l’emploi local du produit.

La pomme de terre a donc cet avantage qu’elle prépare le terrain à recevoir les végétaux qu’on voudra lui faire succéder, soit froment, soit orge, chanvre, lin, &c. Il est même encore prouvé qu’il faut moins de semences dans un fonds ainsi amélioré, qu’il n’y a point de meilleur moyen de nettoyer la terre des mauvaises herbes, & que les pièces d’avoine couvertes précédemment de pommes de terre, sont remarquables par le peu de ces plantes parasites qui les infestent. Loin donc de détériorer le sol, la pomme de terre concourt à sa fécondité, & par les travaux qu’il a reçus, & par le fumier qui étant enfoui & mieux consommé se trouve plus uniformément répandu.

Quant aux effets salutaires des pommes de terre, des écrivains du premier ordre, les ont justifiées des accusations qu’on avoit formées contr’elles. Si les premiers jours que les animaux s’en nourrissent, ils montrent de la répugnance, fientent un peu liquide, cet inconvénient cesse bientôt d’en être un ; d’ailleurs, ne se manifeste-t-il pas lorsqu’ils passent du fourrage sec au vert, & qu’on leur présente un genre de nourriture auquel ils ne sont pas accoutumés, fût-il même, plus analogue à leur constitution, tant est impérieux l’effet de l’habitude sur tous les êtres. Si les pommes de terre sont insipides & compactes, on sait que c’est à cet état fade & serré qu’elles doivent l’avantage de se prêter à tous nos goûts, toutes nos fantaisies, & de donner une sorte de pain qui n’a ni la pesanteur des châtaignes, ni la viscosité des semences légumineuses, ni le caractère filandreux des racines potagères.

Mais il y a des cantons dont le sol est assez ingrat pour ne pouvoir produire que peu de grains, & leurs habitans sont cependant à leur aise ; ils cultivent les pommes de terre, elles leur servent d’abord de nourriture ; ils engraissent ensuite, avec le reste, une quantité de cochons ; ils tuent une partie de ces animaux pour leur consommation, & vendent le surplus à leurs voisins ; le prix qu’ils en retirent sert à payer les impôts & à se procurer des vêtemens ; ils sont bien habillés, bien nourris, & ne doivent rien à leurs propriétaires ni aux collecteurs.

Les irlandois qui en font leur nourriture principale, sont, dit un bon observateur, extrêmement robustes, ils ignorent quantité de maladies dont sont affligés d’autres peuples. Rien n’est moins rare que de voir parmi eux des vieillards & des jumeaux autour de la cabane des paysans. Une grande partie de la Lorraine-allemande en fait aussi la nourriture ordinaire, & les villages