Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

circonspect sur l’époque des premières irrigations.

Lorsque la masse totale de l’herbe commence à fleurir, on doit cesser l’irrigation jusqu’à ce que la fleur soit passée ; & même jusqu’à la coupe du foin dans les provinces du nord. Ceci demande une explication qui sera donnée dans le chapitre suivant. On voit par ce qui vient d’être dit, qu’une prairie composée de plantes d’espèces différentes, & dont la fleuraison n’est pas simultanée, s’oppose aux loix d’une bonne irrigation, puisque lorsque l’une a passé sa fleur, l’autre commence tout au plus à développer la sienne ; ainsi il n’y a point d’époque vraiment fixe pour ces prairies.

Au printemps, pour peu que la saison soit chaude, ainsi qu’en été, la bonne irrigation est celle qui commence après le soleil couché, & au premier printemps, une ou deux heures après le soleil levé, & jamais avant que la rosée soit levée. Si on arrose pendant la journée & dans le gros été, on court grand risque de voir l’herbe rouillée & par conséquent très-défectueuse.

Un propriétaire qui a beaucoup de bétail à nourrir pour le service de sa métairie, a grand tort de multiplier les irrigations. Je veux avec lui qu’il ait un tiers de fourrage de plus, mais l’avantage qu’il retirera de ce fourrage n’égalera pas le service que lui auroit rendu la moitié franche du même fourrage convenablement arrosé. Il ne suffit pas de lester l’estomac des animaux, il faut que dans ce lest il trouve des sucs & des principes nutritifs en quantité suffisante. Un homme qui mangera vingt livres de beurre sera moins nourri que celui qui n’aura que deux livres de pain. La substance muqueuse est la seule partie nourrissante, & elle est en très-petite quantité dans le foin délavé. Il est de fait que si l’herbe est en fleur lorsque l’on arrose, la fleur ne retient pas, c’est à dire, ne graine pas, & le vœu de la nature est manqué, puisqu’elle n’existe que pour produire sa semence, & la plante en souffre.

Que doit-on donc penser de ces cultivateurs qui encaissent leurs prairies afin que l’eau y reste pendant 12 & 14 heures, à la hauteur d’un pied. C’est chercher à vendre une marchandise de qualité fort inférieure, & dont l’acheteur ne connoîtra la défectuosité que par l’amaigrissement de son bétail. Ce seroit aux communautés à veiller sur de tels abus qui décrient les fourrages de leur canton.


CHAPITRE V.

De la coupe des soins & de leur con» nervation.

Section Première.

Quand faut-il couper le foin ?

Suivant la coutume la plus généralement adoptée dans le royaume, on attend que la plus grande partie des plantes aient leur tige de couleur jaune, & que leurs graines soient mûres ou presque mûres. Est-il permis de proposer quelques doutes sur cette méthode ? ce que je vais dire suppose que le lecteur est déjà ins-