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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/508

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qu’à un certain point. Cela est vrai ; mais mûrir pour être simplement mangeable, & mûrir au point d’acquérir sa maturité parfaite qui aromatise & parfume ce fruit, c’est une très-grande différence. Il y a aussi loin de l’un à l’autre, que du goût des raisins de treille de Normandie, à celui des raisins d’Espagne ou des Canaries. Les fruits des pruniers les plus soignés dans les environs de Paris, ne seront jamais à comparer, pour la qualité, à ceux des provinces méridionales, où on ne leur donne presqu’aucune attention. Le soleil, eh quoi encore, le soleil ; voilà le vrai parfumeur des fruits, tels que la pêche, l’abricot & la prune. Si, en Angleterre, le soleil sèche & ride les fruits dans l’exposition du sud, ainsi que le dit Miller, c’est qu’on effeuille l’arbre trop tôt. On doit encore conclure que le prunier est un arbre vigoureux, dont la végétation est décidée & difficile à déranger, puisque cet arbre réussit à merveille dans les bonnes exportions, passablement dans les médiocres ; enfin que les effets des gelées tardives sont moins à craindre pour lui que pour le pêcher & pour l’abricotier. Le prunier se charge quelquefois de gomme ; l’intempérie des saisons y contribue ; mais j’ai observé que souvent elle est causée par le trop grand superflu de la sève, puisqu’elle s’échappe par les pores de l’écorce, sans qu’il y ait eu plaie ni contusion… Le fruit des pruniers à plein vent est sans comparaison meilleur que celui des pruniers en espalier.

II. De la multiplication & de la conservation du prunier.

1. Du semis. La chair ou pulpe qui environne le noyau, est destinée par la nature à le nourrir. On doit donc, pour se procurer des noyaux bien conditionnés, choisir un arbre, & y laisser les prunes jusqu’à ce qu’elles tombent après leur parfaite maturité. Il est temps alors de les ramasser sur terre, & de les porter, sans en détacher le noyau, dans un grenier, de les étendre & de les y laisser sécher. Cette pulpe desséchée soustrait le noyau au contact de l’air, & conserve la fraîcheur dans son amande. J’aimerois cependant mieux avoir une portion de terrein bien fumée & bien défoncée, dont les sillons seroient tout préparés à recevoir les semences. Aussitôt que la prune est tombée, on la plante toute entière dans ces sillons, on espace chaque prune de quatre à six pouces ; enfin le tout est recouvert de terre. On laisse entre chaque sillon l’espace de huit pouces, qui facilite les sarclages, & les deux ou trois petits labours à donner pendant la première année. L’expérience m’a démontré, 1°. que les amandes germent plus promptement au premier retour de la chaleur ; 2°. que la végétation de la plante étant plus longtemps soutenue, le sujet devient plus gros, plus nourri & plus élevé qu’en suivant toute autre méthode ; d’où il résulte qu’on a une excellente pourrette à planter en pépinière l’année suivante. Si on considère les planches de semis des jardiniers ordinaires, on voit que les sillons sont trop serrés, les jets & jeunes plants entassés les uns sur les autres ; & la confusion est bien plus grande lorsqu’ils ont semé à la volée. Il en résulte que les sarclages & les petits binages sont très-difficiles à prati-