Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/526

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il faudroit qu’il y eût près des mules un homme le fouet à la main, sans cesse occupé à les faire marcher.

On attache une petite sonnette à la barre, & elle est mise en action tant que l’animal marche, c’est par le bruit qu’elle fait qu’on s’aperçoit s’il travaille ; mais il faut l’accoutumer à ce travail & lui apprendre que dès que la cloche cesse de sonner, il est au moment de recevoir de grands coups de fouet. On commence par boucher les yeux de l’animal avec des lunettes, afin qu’il ne s’étourdisse pas en tournant circulairement ; ces lunettes sont faites en cuir, chacune ressemble à un bouclier très-creux ou à une des deux sections d’un hémisphère coupé en deux par le milieu. Il faut que dans sa capacité l’animal ait le mouvement libre de l’œil. Ces lunettes sont maintenues par deux lanières ; la supérieure passe derrière ses deux oreilles, & l’inférieure sous les deux branches de la partie supérieure des os de la mâchoire, où elle s’attache au moyen d’une boucle… Quatre hommes se placent, à des distances égales, à l’extrémité de la circonférence décrite par l’animal en tournant. Dès qu’il est mis en mouvement par la voix d’un des conducteurs, il doit régner le plus grand silence. Aussitôt que le cheval s’arrête, un des conducteurs, & celui qui se trouve le plus près, lui assène un grand coup de fouet sans faire le plus léger bruit, & ainsi de suite, pendant les deux heures du travail. Deux heures après, époque à laquelle on remet l’animal au travail, les mêmes hommes reprennent leurs postes, gardent le même silence, & le fouet agit au besoin. On continue ainsi pendant toute la journée, & il est très-rare que l’on soit obligé d’y revenir le lendemain. Cependant si la leçon donnée pendant la première journée ne suffit pas, on la réitère jusqu’à ce que l’animal ne s’arrête plus que pour être détaché de la barre.

Il est essentiel que les environs de cette machine soient plantés d’arbres, afin que leurs rameaux & leurs feuilles tiennent à l’ombre l’animal qui travaille, & les bois de la machine. La chaleur, jointe à l’eau dont ils sont sans cesse pénétrés, fait déjeter les bois, les tourmente & hâte leur destruction ;… les propriétaires aisés doivent faire couvrir le tout par un hangar.

Une attention particulière à avoir » c’est d’essuyer avec un linge les yeux du cheval lorsqu’on lui ôte les lunettes, & de ne pas le laisser exposé à un courant d’air : ces lunettes retiennent contre le globe de l’œil, & tout autour des paupières, la matière de la transpiration & de la sueur, & il est rare, même en hiver, que ces parties ne soient pas humides ou mouillées ; dès-lors elles sont susceptibles de se refroidir presque subitement ; puisque l’humide éprouve une grande évaporation, & que toute évaporation produit le froid ; de-là, le reflux de la matière dans le sang, de-là des fluxions, & souvent enfin la perte de la vue. Si on a un cheval ou un mulet aveugle, c’est le cas de le sacrifier à ce genre de travail, parce que le paysan en général n’est pas homme à prendre aucune précaution. Passons à la description de la machine. (Voyez Planche XXXV)

Imaginez un équipage ordinaire, A, B, C, D, conduit par un cheval,