Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/649

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maïs ou blé de Turquie réussiroit très-mal, si on n’avoit pas l’attention de rechausser son pied au moins deux ou trois fois ; pareil travail est très-avantageux aux progrès des pommes de terre, des choux, &c. &c. Il est inutile de répéter ici ce qui est déja dit dans chacun de ces articles séparément.


RECHIGNER. Mot introduit dans le jardinage par M. Roger de Schabol. On entend, dit-il, par rechigner être de mauvaise humeur, chagrin, bourru, triste, mélancolique, & l’on dit par comparaison qu’un arbre rechigne quand il fait mauvaise figure dans le jardin, soit pour avoir été mal planté avec les racines écourtées, mutilées, & comme aussi pour être trop avant dans la terre ; soit pour être charpenté continuellement, & privé de ses rameaux, qu’on ôte ou qu’on pince & repince, qu’on raccourcit sans fin, qu’on tourmente en toutes manières ; soit pour être dans un terrain désavantageux.


RÉCOLTE. Juste récompense des travaux & des soins du cultivateur. J’aime mieux cette définition que celle de dépouille des biens de la terre. Elle offriroit une idée bien consolante ; cette époque seroit un jour de fête pour le laboureur & le vigneron, s’il ne pensoit qu’au moment présent ; mais que l’idée du lendemain est cruelle ! c’est alors que ce malheureux comptera la totalité des dépenses qu’il a faites, la masse énorme d’impositions qu’il doit payer, les dîmes, les servis, &c. Heureux & mille fois heureux s’il lui reste assez d’avances pour ensemencer de nouveau ses champs. Dans l’état actuel des choses la subsistance des cultivateurs & de leur famille est à mes yeux un miracle perpétuel ; ils vivent, & le calcul le plus bas pour leur modique entretien, fait dans le cabinet, est encore très au dessus de ce qu’ils consomment. Je veux que tous les dimanches ils mettent la poule au pot ; disoit le bon Henri IV, Ah ! puissent-ils avoir du pain pour toute la semaine ! aujourd’hui c’est à peine ce qu’ils osent espérer. Une nouvelle aurore semble cependant annoncer un beau jour ; un souverain, ami du peuple & son seul appui, se dispose à convoquer les États-généraux, à établir une répartition égale dans les impôts : puisse le génie tutélaire de la France prévenir & dissiper les brigues & les cabales des hommes redoutables par leurs immenses richesses & par leur crédit ; puisse le pauvre peuple, le malheureux cultivateur jouir paisiblement d’une portion de récolte, si légitimement & si durement acquise par son travail, & ne plus être dans le cas, les larmes aux yeux, de dire aux préposés pour la perception de l’impôt : Prenez toute noire récolte, & ne nous en demandez pas davantage. Oh ! mes amis que votre sort est à plaindre ! mais vos cris, vos doléances sont parvenus au pied du trône ; une ame sensible qui ne respire que le bien, a fait entendre vos gémissements ; consolez-vous, & souvenez vous que l’excès du désordre ramène toujours aux principes de justice & d’équité, auxquels tiennent la tranquillité & la prospérité du royaume. Le mot récolte ne sera plus à l’avenir une signification oiseuse ; le monarque connoît, sent & gémit sur la misère qui vous opprime.