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Section III.

Des routoirs & du rouissage à l’eau.

J’ai peu à ajouter à ce qui a déja été dit, & à ce qui est connu ; le lieu, les circonstances, prescrivent leurs formes & la manière de les établir.

Presque toutes les eaux poissonneuses ayant été interdites aux rouisseurs, les journaliers, les femmes & les artisans de la campagne, ont pris pour rouir, les fossés, les mares, ou bien ils font à peu de frais quelques retenues d’eau, qu’ils laissent écouler après l’opération. Mais les grands cultivateurs dans les pays à chanvre, & ce qui vaudroit encore mieux, une communauté entière ne pourroit-elle pas faire un ou plusieurs routoirs fixes & solidement établis, à l’usage de tous les individus qui la composent ? L’intérêt de chacun aura bientôt fixé l’ordre & la police dans le rouissage, & la plus convenable à tous. En suivant cette méthode, on parviendroit à un rouissage moins incommode, & cette opération bien dirigée, & conformément aux principes d’après lesquels on doit travailler, donneroit peu à peu de la célébrité à la filasse & au fil de ce canton ; dès-lors il y auroit une hausse certaine dans le prix de la vente. Je sais bien que cette idée sera suivie par quelques riches habitans qui s’associeront entre eux : c’est toujours quelque chose. Mais le point le plus important à l’État, est que les pauvres sur-tout dont le nombre est si considérable, jouissent de l’avantage de l’établissement, comme les riches. En ce cas, les routoirs doivent être communs & proportionnées aux besoins de la paroisse.

La dépense ne sera jamais bien considérable, puisqu’il est facile de profiter des positions locales, soit dans des bas-fonds, soit dans le voisinage des étangs, des marais, des ruisseaux, des rivières, afin d’en tirer l’eau nécessaire au rouissage.

Que les eaux soient stagnantes ou coulantes, & dans quelque endroit que soit le routoir, il est essentiel de planter des arbres autour : les peupliers sont à préférer à tous les autres ; ils s’élèvent fort haut, sont très-branchus, attirent un courant d’air, & leurs feuilles soutenues par des queues fort minces, laissent à la feuille la liberté d’être dans une perpétuelle agitation, qui renouvelle l’air & corrige celui des réservoirs. D’ailleurs on connoît aujourd’hui un des grands moyens dont la nature se sert pour purifier l’air atmosphérique ; c’est la végétation des plantes & des arbres. Ils se nourrissent de cet air impur, ils se l’approprient, & échange rendent de l’air pur à l’atmosphère. Malgré cette ressource, on sent bien qu’il ne seroit pas prudent de placer ces routoirs près des habitations, puisque ces arbres ne peuvent pas absorber la masse énorme d’air fixe, & ensuite d’air inflammable & putride, qui s’échappe du chanvre en fermentation. Les lieux à préférer sont ceux qui sont exposés à tous les vents, & où il règne de grands courans d’air.

Des routoirs trop larges sont inutiles, ou du moins peu commodes. Je préférerois d’en étendre la longueur, sur-tout s’ils doivent servir à une communauté. Chaque individu y trouve une place, sans nuire à celle de son voisin, & il faut moins