les provinces où les pluies ne sont pas aussi fréquentes que dans les environs de Paris, ces réservoirs d’eau sont de la plus grande utilité & préviennent les funestes effets des grandes chaleurs & des sécheresses de l’été. Dans les fossés actuels, les eaux pluviales s’écoulent aussitôt, & leurs bienfaits ne sont qu’instantanés.
Dans les terreins gras & aquatiques, cette manière de planter n’auroit pas le même avantage, si l’on ne proportionnoit pas l’espèce d’arbre à la qualité du sol ; mais les frênes, les aulnes ou vernes, les saufes, les peupliers du pays, ou ceux d’Italie, ou les ypréaux y réussissent très-bien… Cette eau stagnante, ajoutera-t-on, (comme si les eaux ne s’évaporoient pas pendant l’été, à moins que ce ne soit dans un vrai marécage ) filtrera par-dessous le chemin, & rendra son sol mou & boueux.
L’objection seroit juste, si sur ce sol marécageux on se contentoit de tracer la route, & de placer l’empierrement au niveau du marécage. Ceux qui veillent à la construction des chemins, ont le plus grand soin d’élever des chaussées, & de doubler la hauteur de l’empierrement : en effet on ne voit aucun chemin fait depuis vingt ans où cette précaution ait été négligée.
La plantation dans les fossés laisse la voie publique entièrement libre, ne s’oppose pas à l’écoulement des eaux surabondantes, prévient l’affouillement des terres, entretient & rassemble sans cesse de nouveaux engrais aux pieds des arbres. Je la préfère, à tous égards, à celle sur les bords de la route ; sur-tout si le sol de la terrasse est de bonne qualité, ou si l’on peut le rendre tel & à peu de frais. Je le répète, la nature du sol décide l’espèce d’arbre qui doit y être planté.
Les personnes subjuguées par le préjugé ou par l’habitude, ne manqueront pas d’objecter que les arbres placés ou dans le fossé ou sur la litière de la route, en maintiendront l’humidité & la rendront impraticable, ou du moins très-boueuse. Considérons l’effet de ces arbres dans les différentes saisons de l’année. Pendant l’hiver, ils ne donnent aucune ombre, & cependant les grandes routes sont coupées par mille & mille ornières, à moins qu’elles ne soient pavées ; & n’étant que sur une largeur de dix-huit pieds, il est indispensable que les bermes soient couvertes d’ornières. Les chemins de toutes nos provinces en fournirent l’exemple, quoique leurs bords ne soient pas plantés d’arbres ; & s’il en existe, c’est sur les champs riverains. Les arbres ne concourent donc pas à la dégradation des chemins pendant l’hiver… Au printemps, ils absorbent plus d’eau en huit jours, pour subvenir à leur végétation, qu’il ne s’en évaporeroit en quinze, s’ils n’existoient pas… Pendant l’été, les chemins sont toujours beaux & secs, & les eaux pluviales sont sitôt écoulées ou évaporées, qu’à peine il en reste quelques vestiges après deux ou trois jours… En automne, c’est-à-dire, vers la Toussaint, l’évaporation cesse d’avoir lieu, & à cette époque commence la chute des feuilles, leur ombre n’entretient plus la fraîcheur. Ainsi dans aucune des saisons l’ombré n’est nuisible. Comment