Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/778

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dans la supposition qu’elle soit bien conduite. Au surplus c’est aux administrations provinciales à calculer le pour & le contre, & à se décider sur le parti qu’elles croiront le plus avantageux.

Une fois que les routes seront plantées, à quoi serviront les pépinières ? elles occasionneront une continuité de dépenses superflues, puisqu’il faudra peu d’arbres de remplacement. Pour répondre à cette question, je commence par prier le lecteur de me pardonner en faveur du motif, si je lui parle de moi & d’une opération vraiment utile à laquelle j’ai le bonheur de contribuer.

La difficulté ou plutôt l’impossibilité de trouver les espèces & la quantité d’arbres nécessaires aux plantations de routes, engagèrent le conseil d’état du roi à ordonner par un arrêt l’établissement des pépinières royales dans toutes les provinces qui n’étoient pas pays d’état. Elles l’ont été en effet ; mais comme dans ces provinces les ordonnances de 1522, de 1720 & de 1776 ne sont pas mises à exécution, le produit de ces pépinières a été donné aux gens riches & puissants, & ils s’en sont servis pour boiser leurs avenues. & leurs parcs ; quelques villes ont obtenu des arbres pour la plantation des promenades publiques ; enfin ces pépinières n’ont pas en général produit le bien que l’administration s’étoit proposée ; leurs abus ont été la cause de leur suppression dans quelques provinces, & de la demande en suppression par presque toutes les administrations provinciales. La pépinière de la généralité de Lyon étoit dans ce cas ; M. Terray des Rosières, intendant de cette généralité, dont chaque jour est marqué par ses aumônes envers les pauvres, & par son amour pour le bien public, eut la bonté de me proposer, à la fin de 1787, de me charger de la direction de cette pépinière. Je lui présentai un nouveau plan de régie, & je lui démontrai que sans augmenter la dépense, sans diminuer le nombre des arbres forestiers à délivrer pour la bordure des grandes routes, il étoit possible de faire chaque année une forte distribution d’arbres fruitiers ; enfin, qu’il n’en coûteroit pas un denier de plus, si on métamorphosait cette pépinière en une école destinée à l’instruction des jeunes jardiniers ; en un mot, s’ils y apprenoient à bien élever & conduire les semis, les pépinières d’arbres forestiers & fruitiers, à tailler ceux-ci d’après les principes fondés sur les loix de la nature ; enfin, si à ces études ils joignoient celle du jardin potager, & l’art de conduire les couches. Le plan de cette école étoit visiblement trop utile pour ne pas être adopté avec empressement par M. Terray ; il le fit agréer au ministère, & il est aujourd’hui autorisé & confirmé par le gouvernement, & les élèves y accourent de toutes parts.

Ce qui a été exécuté à Lyon, pourquoi ne le seroit-il pas dans les autres provinces ? elles se procureroient petit à petit d’excellens jardiniers, qui, de retour chez eux ou chez les maîtres qui ont pourvu à leur éducation, y multiplieroient les pépinières, de manière qu’on ne seroit plus forcé à l’avenir de tirer à grands frais des environs de la capitale, des arbres dont la plupart se dessèchent