Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/801

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sec, à l’abri des animaux, il est inaltérable.

La cuisson des pommes de terre à grande eau, & dans un pot découvert, doit être proscrite, parce qu’elle nuit à leur qualité ; il vaut mieux les cuire à la vapeur de l’eau : elles sont alors plus sèches, plus fermes, plus farineuses, n’ont plus de goût.

Les pommes de terre augmentent de qualité en les exposait un moment, toutes pelées & dans un vase, à un feu doux ou sur un gril ; elles achèvent encore de perdre leur humidité surabondante, & acquièrent tous les avantages des pommes de terre cuites au four ou sous les cendres.

C’est particulièrement pour les habitans des campagnes que les pommes de terre paroissent destinées, parce qu’elles exigent peu d’assaisonnement pour devenir un comestible agréable & salutaire ; quelques grains de sel, un peu de beurre, de la graisse, du lard, du miel, de la crème, du lait suffisent.

Elles sont fades sans être insipides, & cette fadeur, contre laquelle on s’est tant récrié, constitue précisément cette qualité qui fait que les pommes de terre se prêtent à tous nos goûts, qu’on ne s’en lasse pas plus que du pain, & qu’elles ressemblent à beaucoup d’égards à cet aliment de première nécessité.

Les pommes de terre sous forme de pain, ne feront jamais tout à la fois un supplément & un objet d’économie, que pour les laboureurs environnés de terrains couverts de ces racines, vu que, tous frais de culture payés, le sac pesant deux-cent vingt livres, ne leur reviendra point à trente sous.

Le pain de pomme de terre, mélangé de partie égale de farine, consiste à employer celle-ci sous forme de levain, à tenir la pâte extrêmement ferme, & appliquer les racines cuites, chaudes & avec leur peau, au levain ou à l’amidon, sans employer d’eau pour pétrir, à faire en sorte de n’enfourner la pâte que quand elle sera bien levée, & à la laisser plus long-temps au four.

Il n’existe pas de plante alimentaire plus généralement utile que les pommes de terre ; elles prolongent les effets du vert toute l’année, conservent dans leur embonpoint les bestiaux qui s’en nourrissent, & ménagent les grains destinés plus particulièrement à la consommation de l’homme.

Les pommes de terre cuites, mêlées avec un quart d’avoine, donnent aux bœufs, pendant deux mois, ce que les bouchers appellent graisse fine ; il faut pour une paire deux cents quatre vingt-dix livres d’avoine, avec dix-huit cents livres de ces racines.

Les animaux qui font des crotins naturellement secs & brûlans, étant nourris de pommes de terre, rendent des excrémens visqueux & glutineux, de manière que le sol léger qui procure au bétail une excellente nourriture, recevra en échange l’espèce d’engrais qui lui convient le mieux pour rapporter des grains.

Avec cette denrée, les fermiers trouveront dans leurs plus mauvais fonds, l’avantage de faire des élèves pendant l’été, d’entretenir l’hiver des troupeaux considérables ; le petit cultivateur, à son tour, fera rapporter à son foible héritage de quoi nourrir sa famille, son cheval, sa vache, son cochon & sa volaille.