Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/100

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s’élève ; on trouvera la solution du problème, en considérant que les branches du sommet du tronc forment une voûte impénétrable k la lumière du soleil ; dès-lors les branches inférieures, privées de ce principe de vie, & de l’action de l’air supérieur, languissent pendant quelques années, & meurent enfin d’épuisement. La séve ne peut plus s’épurer & rejeter par la transpiration & par les sécrétions, les matières hétérogènes & superflues qu’elle contient ; il faut qu’elles se portent aux branches du sommet, parce qu’elles seules éprouvent l’action de l’air & du soleil. Il n’en est pas ainsi, & par la même raison, sur les lisières des forêts, & sur les sapins qui avoisinent les clairières ; les branches inférieures subsistent dans tout l’extérieur ; d’où il résulte que les troncs de ces arbres lisières ne sont jamais aussi élevés que ceux de l’intérieur. Je crois, toutes circonstances égales, qu’un pied cube du bois de ces arbres de lisières, doit peser beaucoup plus qu’un semblable bois pris dans un arbre de l’intérieur, & par conséquent, qu’une poutre faite du premier, sera plus forte, qu’elle cassera moins que celle tirée du second. Je n’ai fait aucune expérience à ce sujet, je ne présente cette assertion que comme une conjecture qui mérite d’être vérifiée ; si elle est vraie, la marine & la charpente en retireroient une grande utilité. On n’estime pas ces arbres, parce qu’ils n’acquièrent jamais la hauteur des autres ; mais cette hauteur ne doit pas être un titre exclusif pour la qualité.


CHAPITRE III.

De la coupe des sapins.

Avant d’entrer dans le fond du sujet, il est à propos de parler d’une coutume détestable, un abus épouvantable. En Franche-Comté, sur les Alpes, sur les Pyrénées & presque par-tout où le bois est commun, les bûcherons, pour ne pas avoir la peine de se courber, coupent les sapins à un pied & demi, & même à deux pieds au-dessus du sol. Cependant c’est la partie la plus grosse du tronc, & dont on peut tirer le plus grand avantage. Il vaudroit bien mieux que le propriétaire salariât mieux les ouvriers, & les forçât à couper le sapin comme le chêne à fleur de terre. Si on coupoit le chêne à la hauteur d’un à deux pieds, on auroit pour excuse, (quoique mauvaise,) que de ce tronc sortiront de nouvelles branches ; mais à quelque hauteur que l’on coupe celui du sapin, l’arbre meurt, son tronc & ses racines se convertissent à la longue en terreau. On se prive donc en pure perte de deux pieds du plus excellent bois. Coutume, coutume, que ton empire est sot & tyrannique ! Il faudra que la disette du bois fasse, ouvrir les yeux. C’est elle qui a introduit dans le canton de Berne & dans les principautés de Neufchâtel, la bonne & la seule bonne manière de couper les sapins. Comme la forêt d’Athos dans les Pyrénées a été exploitée pour le compte du Roi, cette méthode y a été introduite.

Dans quelle saison doit-on faire la coupe des sapins ? Dans beaucoup