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lesquelles on trace de petits sillons dans lesquels on jette la graine ; chaque sillon doit être séparé du voisin par un espace de huit à dix pouces, & on recouvre de terre la semence avec le secours du râteau. C’est au commencement de mai qu’on sème, & on n’épargne pas les arrosemens avec de l’eau échauffée par le soleil… Dans les provinces plus au nord, & semblables par le climat à celui de Paris, on sème en août, & la plante reste en terre pendant deux hivers ; si le sol lui convient, elle est encore très-grosse & très bonne après le troisième hiver.

Après un certain temps & lorsque les plantes sont décidées, on éclaircit les jeunes pieds, mais à plusieurs reprises & en temps différens afin de ne pas endommager les racines des pieds qu’on veut laisser subsister. Toutes les suppressions faites, il suffit que chaque racine soit éloignée de sa voisine de quatre à six pouces si on veut les avoir belles, & de trois pouces si on désire la quantité.

Sous quelque climat que ce soit, il convient de serfouir souvent les scorsonères, il en résulte deux avantages : la soustraction des mauvaises herbes qui leur sont très-nuisibles, & la plante profite beaucoup plus quand le collet de sa racine n’est pas resserré par une terre compacte naturellement, ou sa superficie rendue telle par ses arrosemens.

Il est inutile & même nuisible de fumer la terre que l’on destine aux scorsonères, mais si elle a été fumée largement, une année auparavant, & que le fumier ait eu le temps de se réduire en terreau, il lui devient profitable. Telle est en général l’opinion des jardiniers. Je dirai cependant que j’ai fait arroser pendant l’hiver des scorsonères qui avoient été semées en août, avec la matière liquide retirée des latrines, & que cet engrais puissant, loin de nuire aux plantes, rend leurs racines beaucoup plus belles ; je conviens cependant que les pieds dont les feuillages restèrent couverts de cette matière, périrent ; il auroit donc fallu le rendre plus fluide, & il n’y auroit pas eu de mal ; le succès des plantes voisines le prouvèrent.

La première fleur que portent les scorsonères ne produit jamais une bien bonne graine : il faut cueillir celle des fleurs de la seconde année, & elle ne se conserve en état d’être semée, que pendant deux ans. La graine de la troisième année est encore meilleure ; cette graine est très-fugace : comme elle est couronnée d’une aigrette, & comme sa base s’implante sur un réceptacle nu, le moindre coup de vent l’en détache & l’emporte au loin ; d’ailleurs les oiseaux en sont très-friands : il faut donc, au moins trois ou quatre fois par jour, faire la visite pendant l’époque de la maturité des graines. Quelques-uns pour prévenir cette perte, coupent les boutons un peu avant leur parfaite maturité, les étendent sur un drap & les laissent ainsi compléter leur maturité. La scorsonère est plus délicate que le saslifix, maïs sa culture est moins lucrative, parce que ce dernier reste moins long-temps en-terre. Dans les climats où les hivers sont très-