Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/187

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maux qui les transportent au loin, en les rendant avec leur fiente, &c. & ne soyez plus surpris de voir naître certaines plantes en des lieux où vous ne les aviez jamais observées, & dans le champ dont vous les aviez extirpées. N’attribuez point les merveilles de la reproduction & de la végétation à un hasard aveugle : elles ont leurs loix invariables. Ce qui nous paroît souvent un écart est pourtant calqué sur un ordre fixe, & c’est ce qui doit encore plus exciter notre surprise.

Les enveloppes des graines & des fruits qui se présentent sous tant de formes, & pourtant toujours déterminées sur un type constant, ne sont faites que pour la conservation du germe, & en favoriser le développement lorsque les circonstances convenables se présenteront. Telle graine a la faculté de lever en quelques jours, selon la saison ; telle autre reste assoupie pendant dix années entières. L’humidité, la chaleur & l’air, combinés ensemble, mettront en jeu le principe végétant ; la terre servira d’abord de matrice à la graine, & ensuite de mère nourrice à ses racines.

Quand nous verrons donc des plantes croître sur les plus hautes montagnes, dans les fentes des rochers, dans les joints des murailles dans une caverne, sur des fouilles profondes, au fond d’un précipice, & sur la fange des marais, &c. ne cherchons plus le comment ; admirons avec respect, & disons, dans notre ignorance : la nature nous instruit en tout ; elle est le grand semeur des plantes agrestes. A. X.

En général, les jardiniers & les laboureurs sèment trop épais : il en résulte que les jeunes plantes s’affament si on n’a pas le soin de les éclaircir. Cette opération remédie au mal à venir, & non pas au mal passé. Combien de plantes restent rachitiques, pour avoir été épuisées dans leur enfance ? D’un excès on est tombé dans un autre ; sur-tout quand il s’agit des semailles en grand ; par exemple, du froment, du seigle, &c. Des particuliers ont fait des expériences soit dans des jardins, soit dans des champs de bonne terre, & ils ont vu que très-peu de semences produisoient beaucoup plus qu’un très-grand nombre dans le même espace donné. De là ont paru aussitôt des calculs sur l’économie de plusieurs millions de mesures que l’on gagneroit dans tout le royaume, en diminuant la quantité de semences. Dans l’un & l’autre cas, on ne se met pas au point de la question, & tout calcul général est abusif. Chaque propriétaire doit connoître la nature & la qualité séparément de chacun de ses champs, & il doit se dire : la coutume du pays est de semer également par-tout, tant de mesures de grains. Cette coutume est-elle bonne ou mauvaise. Je vais m’en convaincre par l’expérience, & cette expérience aura lieu sur chacun de mes champs séparément, ne pouvant pas conclure de l’un pour l’autre, attendu la différente qualité du sol.

Je suppose que tout le terrain d’un champ est de même qualité : après l’avoir fait labourer dans son entier, après lui avoir donné toutes les préparations convenables, & les mêmes, je partage ce champ en deux parties égales. Une moitié sera semée a la manière du pays, & servira de