Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rhumatismales récentes, & sur-tout dans celles qui sont produites par une forte distension des fibres. Cette plante n’a pas moins d’efficacité pour la guérison des dartres, & de toutes les maladies cutanées. On s’en sert avec succès dans les maladies qui dépendent d’une humeur laiteuse épanchée, appelées communément lait répandu ; dans la jaunisse, les obstructions, l’asthme, & les chûtes… On s’en sert extérieurement dans les plaies, les ulcères, les cancers, les contusions, &c. Elle est anodyne, détersive, résolutive & vulnéraire. On applique pour lors les feuilles fraîches pilées, en forme de cataplasme. On ne se sert intérieurement que des tiges ; on écarte les racines, les feuilles, les fleurs & les fruits : on les coupe à petits morceaux qu’on écrase sous le marteau, ou qu’on fend en deux ou en quatre, lorsqu’elles sont trop grosses. On doit seulement observer que celles qui sont moelleuses sont préférables en tout point aux autres. On les fait bouillir à petit feu, & lentement, parce qu’autrement, pour peu que l’ébullition soit forte, le liquide, dans lequel on fait bouillir la plante, verse, & la partie la plus volatile se dissipe avec l’écume. On observe que, pour peu qu’on agite la décoction de cette plante, ou qu’on la verse d’un peu haut, elle mousse comme la bierre ou le vin de Champagne. On commence par une ou deux drachmes de ces tiges, qu’on fait bouillir dans deux verres d’eau, jusqu’à la réduction de la moitié ; ou augmente successivement la dose de la plante de deux en deux, ou de trois en trois jours, jusqu’à ce qu’on soit parvenu à une once. Pour lors on augmente le liquide, & on met quatre verres d’eau au lieu de deux : on fait toujours réduire la liqueur à moitié. On prend communément deux tasses de cette décoction le matin à jeun, dans l’intervalle de demi-heure ou d’une heure. S’il convient d’en prendre davantage, on réitère la même dose l’après-midi, quatre heures après le dîner. Lorsque les malades sont au bouillon, on se sert de cette décoction en guise de tisane, qu’on donne pour boisson ordinaire. On peut couper la décoction de douce-amère avec partie égale de lait de chèvre ou de vache, bien écrémé, on y ajoute un peu de sucre, ou de racine de réglisse, ou quelques zestes de citron pour ôter le goût nauséabond que certaines personnes trouvent à cette plante. Il est certain que si, dans quelques occasions, il est avantageux de couper cette décoction avec du lait, il l’est beaucoup plus encore dans d’autres, de donner la décoction pure. Cette plante est plus active, lorsqu’elle est sans mélange.

La douce-amère se multiplie aisément par drageons enracinés qui se trouvent au bas des gros pieds. On en fait encore des marcottes & des boutures. On les sèvre au printems, pour les planter dans un terroir humide, elles s’y enracinent fort vîte, après quoi on les transporte aux endroits où on les destine. On en peut décorer les jardins & en former des cabinets de verdure. M. Buc’hoz dit avoir vu des boutures de douce amère dans des caraffes d’eau que l’on tenoit dans une chambre : elles y poussent des feuilles & des branches qui conservent long-temps leur verdure.