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comme ils sont imprégnés de sel, ils attirent puissamment l’humidité de l’air. Il convient donc de les traiter comme le foin sur le pré, c’est-à-dire, de les rassembler chaque soir, de les étendre le lendemain, & ainsi de suite, jusqu’à leur entière dessiccation avant de les mettre en meule.

1°. Des fourneaux. On pratique, près des lieux où croît la soude ou des amas de fucus, des fosses proportionnées à la récolte, & on les place les unes près des autres, afin que le même ouvrier puisse les servir. Ces fosses ont la forme d’un cône, dont la pointe est dans le bas. Quelquefois on les dispose en forme de soucoupe bien évasée ; la première forme est préférable. Une pierre taillée & concave dans son milieu, sert de base à la fosse. Ses côtés sont revêtus en maçonnerie, & ses pierres sont liées les unes contre les autres avec une argile bien tenace & bien corroyée. Avant de se servir de ces sosies, il est nécessaire que la chaleur du soleil ait dissipé toute l’humidité de l’argile. Si dans le voisinage on trouve des rochers, on y creuse les fosses, & elles serve pendant un grand nombre d’années.

2°. Manière de brûler. Lorsque les plantes de salicote ou les varechs sont secs, on les rassemble vers les fosses ; on les y amoncelle crainte de la pluie, & au besoin, ils sont recouverts avec de la paille, dans la crainte que la pluie ne les imbibe. Un angard préviendroit tous les inconvéniens.

On jette au fond des fosses un peu de bois très-sec, mêlé avec un peu de paille ; on couvre le tout par une couche de salicote ou de varech, & le feu est mis à la paille, qui se communique au bois, ensuite au salicote. Lorsque celui-ci commence à s’enflammer, un ouvrier armé d’une fourche de fer, prend du salicote, le jette sur la couche précédente ; & son attention essentielle est de ne laisser aucune issue à la flamme. À mesure qu’il s’en forme, il se hâte de les boucher avec du nouveau salicote. La bonne opération consiste à entretenir sans cesse, & jusqu’à la fin, un feu concentré & de réverbération. Dès que l’opération est commencée, elle se continue sans interruption jusqu’à ce que la fosse soit remplie par la substance brûlée. Les ouvriers se relayent, parce qu’un seul ne pourroit supporter les fatigues pendant plusieurs jours consécutifs.

Lorsque la fosse est remplie de soude bien cuite, on enlève avec un râteau le charbon & la cendre qui surnagent la matière. Alors des ouvriers armés de perches de sept à huit pieds de longueur, agitent fortement & en tout sens la masse, ce qui lui fait prendre de la consistance. Plus elle est agitée, & plus elle acquiert de solidité par le refroidissement. Le point parfait de l’opération est lorsque la matière est cuite également. On laisse ensuite le tout refroidir peu-à-peu ; & lorsque le tout est complètement froid, on le retire des fosses sous une forme si solide, qu’on est obligé de le rompre à coups de marteaux. C’est réellement une espèce de fusion que la partie saline éprouve ; c’est pourquoi ces masses n’attirent pas l’humidité de l’air.