Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’après cela, Pringle recommande beaucoup l’esprit de sel ammoniac dans les maux de gorge gangreneux, pour exciter le mode inflammatoire languissant, & dans les gangrènes froides des vieillards, des pituiteux, qui sont très-fréquentes en hiver, tandis qu’il seroit trop actif, & même vénéneux dans les sujets trop irritables, & dans les gangrènes chaudes d’été, accompagnées d’une dissolution des humeurs. Les anciens employoient le feu dans les gangrènes putrefactives. Baglivi a vu l’inconvénient que pouvoit avoir cette méthode. Les caustiques trop forts, les escarotiques sont aussi très-dangereux. L’escarre qu’ils forment, étant très-épaisse, empêche la volatilité du miasme putride & l’efflorescence du dépôt gangreneux : cette escare en se détachant trop tôt, augmente la dégénération gangreneuse, par l’exposition trop subite des parties au contact immédiat de l’air libre. Les escarotiques doux peuvent mettre des bornes à la propagation de cette altération putréfaction, & agissent d’une manière plus sûre & plus efficace que le feu qui, en général, n’est pas trop avantageux.

Les incisions, les scarifications sont très-utiles dans les gangrènes humides qui abondent en humeurs, & qu’il faut nécessairement dégorger. Elles facilitent & favorisent l’action des digestifs animés qui établissent une bonne suppuration. Le sel ammoniac est très-propre à bien dégorger une partie, à la faire beaucoup saigner ; c’est en cela qu’il a un avantage réel sur les sels acides.

Pour faciliter une suppuration assez forte dans les plaies d’armes à feu, on fera des scarifications, on dilatera la plaie jusqu’à un certain point, par la raison que la stupeur qui est inséparable de ces sortes de plaies, est peu susceptible d’excitation, & qu’il y auroit à craindre d’augmenter la largeur qui n’est déjà que trop considérable.

Dans les gangrènes humides, on doit changer quelquefois les topiques, suivant l’apparence que la gangrène affecte, & la nature du tempérament. Le mode inflammatoire est tantôt trop fort, & tantôt trop languissant, & comme le vice de ce mode inflammatoire en excès, ou en défaut, est très-difficile à estimer, il faut nécessairement savoir bien apprécier l’effet du premier remède, & insister si la maladie ne présente point de contre-indication, y ajouter quelque chose, s’il est besoin, ou même les changer entièrement, s’ils sont visiblement contraires, mais toujours peu-à-peu revenir sur ses pas & avec lenteur, afin de ramener cet état à une médiocrité confiante & salutaire, il seroit très-dangereux de passer trop vite du froid au chaud.

Dans la gangrène sèche, de cause interne, il faut attendre que la maladie qui y a donné lieu, & qui se termine par un abcès, ait cessé, & soit bien guérie, & que la gangrène soit fixée, alors on l’emportera, pourvu que le cercle livide & autres indices annoncent la séparation du mort d’avec le vivant ; sans cette considération on s’expose à voir la gangrène se régénérer sur une autre partie. Degner veut qu’on ampute dans le mort & non dans le vif, afin de ne pas reméler le suc sévreux