Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vaisseaux, qui facilite la résorption des humeurs, comme l’a très-bien vu M. Petit, & c’est-là un coup de maître : il n’est qu’un instant favorable à saisir. Il est plus facile d’exciter cette résorption par l’usage des spiritueux balsamiques qui préviennent la génération du pus, & facilitent en même temps la cicatrice.

Mais lorsque la nature opère la résolution spontanée par la suppuration, il seroit dangereux de l’arrêter. Platner, Lacaze, Robert, Bordeu, ont fort bien observé que le travail de la digestion, les passions violentes & autres excès, & détournoient d’une manière dangereuse la génération du pus, & lui donnoient Un état de crudité.

On aide la rupture du foyer de la suppuration, par l’application des suppuratifs émolliens ou emplastiques, qui attirent une plus grande quantité d’humeurs séreuses, arrêtent d’ailleurs la transpiration & rendent le pus plus fluide. Les suppuratifs irritans ne sont bien placés que lorsque la suppuration est déjà établie. Leur application pourroit être très-dangereuse, lorsqu’il y a ardeur & fièvre ; ils irriteroient & fronceroient la peau.

Il est des foyers de suppuration dont on ne peut attendre une rupture naturelle, & qu’il ne faut cependant pas ouvrir. Ces cas sont très-rares, il est vrai, mais ils existent. Valfalva en rapporte quelques exemples, entre autres, celui d’un abcès énorme à une jambe qu’il n’avoit pas tenté d’ouvrir, parce qu’il prévoyoit que la cicatrice seroit difficile, qu’il étoit à craindre que l’évacuation trop abondante qu’on auroît pu procurer, ne jetât le malade dans une fonte dangereuse, & que la colliquation ne devint plus rapide qu’elle n’étoit.

Il y a encore d’autres exemples où l’ouverture ne doit point être pratiquée ; c’est quand les foyers de suppuration se vuident par une métastase sur quelque organe, sans qu’une affection primitive de cet organe ait précédé ; il faut alors tenter d’autres voies, corriger, s’il est possible, cette humeur purulente, afin qu’elle soit repompée comme on l’a observé quelquefois. On peut rapporter à ce sujet l’observation faite sur un jeune homme qui ayant un testicule foulé avec tumeur considérable, ne voulut point se laisser faire l’opération. Tous les remèdes qu’on lui donnoit, devenoient inutiles, on le voyoit dépérir de jour en jour ; enfin l’abcès s’ouvrit de lui-même ; il rendit du pus avec l’urine, & mourut. Sanctorius rapporte encore l’observation d’un homme qui avoit un foyer de suppuration sur le muscle grand fessier, qui se fit jour par le canal de l’urètre ; on le pansa mal, on l’ouvrit, & la maladie fut dangereusement augmentée.

Néanmoins, à l’exception de ces cas rares dont je viens de parler, en général il faut se hâter de donner issue aux amas de pus, 1°. lorsqu’ils sont établis sur des parties graisseuses ; 2°. lorsqu’on a à craindre que la corruption du pus ne se change en sanie ; 3° enfin, lorsqu’on veut éviter des fièvres d’un mauvais caractère, auxquelles le repompement du pus peut donner naissance.

On ne doit point attendre la maturité d’un abcès critique, qui se fait à l’extérieur & trop lentement, pour en faire l’ouverture, sur-tout si les circonstances font craindre une métastase dans l’intérieur.