Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/46

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trop ou trop peu avancé, les tempéramens bilieux ou flegmatiques, la longueur de la maladie, l’œdème & toutes les hydropisies, les hémorragies qui ont précédé, les évacuations critiques quelconques, & toutes celles qui sont trop abondantes, les vices gangreneux, sont des contre-indications pour la saignée.

Lorsqu’on admet un usage immodéré de ce remède dans la plupart des maladies, on est forcé d’établir une longue suite des contre-indications pour en empêcher les tristes effets dans un grand nombre de cas ; mais lorsqu’on l’a réduit dans ses vraies bornes, on se trouve bien moins embarrassé par cette combinaison de causes & d’effets, d’indication & de contre-indications, qu’il est bien difficile d’apprécier.

La modération dans l’usage des remèdes, la crainte de tomber dans un abus trop commun, la confiance dans les efforts de la nature, feront que, indépendamment des contre-indications, si le mal est léger, si on peut raisonnablement compter que la nature sera victorieuse, on la laissera agir, on exercera du moins le grand art de l’expectoration, en se bornant aux soins & au régime, pour ne pas faire de mal, dans la fureur de vouloir agir, lorsqu’on devroit n’être que spectateur.

La justesse & la modération doivent donc être nos règles. Nous ne devons saigner que dans le besoin & qu’autant qu’il est nécessaire. Cette opération est contre-indiquée non-seulement aux animaux épuisés & débiles, même dans les maladies aiguës, mais aussi nous devons nous en abstenir dans les gourmes, dans la clavelée, lorsque les forces de la nature n’excèdent point, dans la crainte de s’opposer à l’évacuation de la matière morbifique ; dans les fièvres lentes, malignes & excessivement putrides, dans l’apoplexie séreuse, dans la péripneumonie ou fluxion de poitrine, lorsque l’animal expectore aisément, quoique la fièvre soit forte dans le vertige symptomatique, &c. La loi générale est de ne jamais saigner au commencement d’une fièvre, à moins qu’il n’y ait des symptômes violens d’inflammation ; car toutes les fièvres ne demandent pas de saignées, elles y sont souvent inutiles & quelquefois dangereuses, principalement dans les épisodes. Il n’y a donc que les symptômes de l’inflammation qui puissent indiquer avec certitude la nécessité de la saignée, tels qu’un pouls fréquent, plein, dur, une chaleur forte, la sécheresse de la peau, la vivacité & la rougeur des yeux, la difficulté de respirer, &c. Enfin nous devons tenir pour certain, qu’on ne peut jamais faire sortir toute l’humeur morbifique avec le sang, à moins qu’on ne l’épuise entièrement. Cette sortie est l’ouvrage de la nature seule.

Pour donner une connoissance un peu plus étendue de l’indication & de la contre-indicationde la saignée, aux personnes entre les mains desquelles se trouve cet ouvrage, jetons un coup-d’œil avec elles sur la marche de quelques-unes des maladies qui attaquent leur bétail, & qui sont fréquemment épizootiques. Par exemple, dans les fièvres intermittentes, leur caractère est de paroître & de disparoître entièrement, & de revenir à plusieurs reprises au bout de vingt-quatre heures, au bout de deux, trois jours, &c.; ces retours se nomment accès. Dans l’intervalle qui règne