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glace ; si l’on passe les doigts sur de l’étain ou sur de l’argent, on y laisse une trace d’humidité ; lorsqu’on réchauffe le bras, & qu’on le met nud dans une bouteille de verre, il se ramasse des gouttes sensibles dans cette bouteille. En hiver, les vapeurs qui sortent du poumon se condensent & forment une espèce de nuage. Le matin, en été, la fraîcheur de l’air produit aussi une semblable condensation. Enfin, si on se met tête nue près d’une muraille exposée à la chaleur du soleil, on voit l’ombre des vapeurs qui s’élèvent des pores de la tête.

Cette évaporation doit diminuer selon les climats, les tempéramens & les occupations ; car, selon le froid qui resserre, selon le chaud qui raréfie, les occupations qui produisent le même effet, le cœur aura plus ou moins de force, & les liqueurs trouveront plus ou moins d’obstacles à la sortie des ouvertures destinées à la transpiration insensible.

Cette évacuation a été connue des anciens médecins. On trouve, dans les ouvrages d’Hippocrate, plusieurs dogmes utiles sur la transpiration même la plus insensible ; mais personne, avant Sanctorius, n’avoit pu apprécier la grande quantité de matière que nous perdons par cette voie. C’est à lui qu’on est redevable de l’invention & de la perfection de la doctrine de l’insensible transpiration.

On sait que les pores par où se fait cette évacuation sont très-nombreux, & qu’ils s’ouvrent obliquement sous l’épiderme. Léevrenhoeck en a remarqué cent vingt-cinq mille dans l’espace qu’un grain de sable pourroit couvrir ; il doit donc se faire une continuelle transsudation dans l’humeur subtile de ces mêmes pores par toute la peau, & de toutes les parties du corps, qui surpasse de beaucoup toutes les évacuations sensibles prises ensemble ; ce fait a été mis dans la dernière évidence par Sanctorius. Ce célèbre médecin, seul inventeur d’une chaise à peser, a démontré que l’on perd en un jour, par l’insensible transpiration, autant qu’en quatorze jours par les selles & en particulier ; que pendant la durée de la nuit, on perd ordinairement seize onces par les urines, quatre par les selles, & plus de quarante par l’insensible transpiration.

Il observe aussi qu’un homme qui prend dans un jour huit livres d’alimens en mangeant & en buvant, en consume cinq par l’insensible transpiration ; quant au temps, il assure que cinq heures après avoir mangé, cet homme a transpiré environ une livre ; depuis la cinquième heure jusqu’à la douzième, environ trois livres, & depuis la douzième jusqu’a la seizième, presque la moitié d’une livre.

Les quatre saisons doivent beaucoup varier la transpiration. En été, la matière qui transpire est en grande quantité. En automne, les pores se resserrent, & la matière qui le trouve arrêtée commence à se faire jour du côté des intestins. En hiver, les pores sont encore plus resserrés ; aussi l’urine, les matières fécales, la salive, doivent couler plus abondamment. Enfin, au printemps, les pores commencent à s’ouvrir, & les évacuations sensibles diminuent. Les femmes transpirent beaucoup moins que les hommes ; les jeunes gens, plus que ceux qui sont à la moitié de leur course, & ceux-ci plus que les