Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/533

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plus loin. Je pris trois quarts de débris de mortier fait avec chaux & sable, d’une maison qu’on démolissoit, & un quart de bon terreau ; mes tulipes furent plantées dans ce mélange, réussirent très-bien, & pas un seul oignon ne pourrit, quoique l’hiver fût excessivement pluvieux. Les autres fleuristes en perdirent beaucoup. Tous les végétaux ne sont pas propres à composer un bon terreau. On doit en exclure les feuilles de chêne, de noyer & de châtaignier, ainsi que le tan, même après qu’il a servi aux corroyeurs ; ces substances conservent, malgré leur décomposition, un principe contraire à la bonne végétation des tulipes. Je pense que c’est un principe d’astriction ; ce sont les seuls qui m’ont paru nuisibles entre tous les débris des végétaux. On doit conclure, par ce qui vient d’être dit, 1°. que l’époque de la plantation, (chacun suivant le climat qu’il habite) est indiqué par l’apparition naturelle du dard ; 2°. que le meilleur sol pour la tulipe est celui qui retient le moins l’humidité. Si la saison du printemps la refuse, on peut & on doit recourir à l’art ; c’est-à-dire, à l’arrosement proportionné aux besoins de cette plante.

À quelle distance doit-on planter les tulipes les unes des autres ? Le véritable amateur agit d’après les principes ; il fait trois classes de ses oignons, relativement à leur grosseur : il est censé qu’il a déjà séparé les tulipes printanières des tardives. La première classe comprend les plus gros oignons ; la seconde, les moins forts, & qui cependant donneront la fleur dans la même année ; & la troisième sera destinée aux cayeux. La même distribution s’observera pour les cayeux, parce que de la grosseur de l’oignon, de l’étendue que l’on suppose à ses feuilles, dépend l’espace que l’on doit laisser entr’eux. Ceux de la première classe seront plantés de huit à dix pouces ; ceux de la seconde, de six à huit ; enfin, les cayeux depuis deux jusqu’à six. Sans ces précautions, les feuilles se chevaucheront les unes sur les autres, & ne jouiront pas de tous les effets de la lumière du soleil & de l’air qui sont si nécessaires à leur bonne végétation. Pour produire un bel effet, il convient de ne planter dans la même planche que les tulipes qui fleurissent à la même époque & dont les baguettes sont d’égale hauteur ; enfin il faut tellement varier & marier les couleurs que les deux mêmes espèces ne se trouvent pas près l’une de l’autre.

D’après l’avis général des amateurs, la beauté de la tulipe consiste, 1°. à être portée par une baguette ferme, bien nourrie, haute, donnant une fleur dont la sommité des pétales soit arrondie ; toute tulipe à pétales pointues doit être rejetée. Il faut cependant observer que l’oignon de tulipe n’atteint sa grande perfection qu’à la huitième ou dixième fleur ; mais il est aisé de s’appercevoir, dès les premières, si les pétales ont des dispositions à s’arrondir. 2°. On doit observer si les panaches sont bien prononcés, s’ils partent de la base du pétale jusqu’à son sommet, sans se brouiller en couleur, sans se diviser en piquetures ; enfin, si la couleur des panaches tranche & coupe agréablement avec la couleur principale du fond des pétales. Il faut convenir cependant dans la réalité que ces beautés