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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/592

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les lavemens rafraîchissans, ceux d’eau commune froide, & même à la glace, suivant les circonstances & les saisons, les fomentations avec les herbes émollientes, les tisanes rafraîchissantes, l’eau de poulet, le petit-lait, les bouillons de poulet, de tortue, d’agneau, de mou de veau & ceux de grenouilles, les potions huileuses, adoucissantes, & mucilagineuses ; enfin les eaux minérales, telles que celle Dyeuset, de Meine, de Vals, de Camarets, de Forges, de Passy, de Pugean & de Gabian, sont préférables à tous les autres antihistériques, ou antispasmodiques. Après avoir parlé des moyens physiques propres à attaquer les maladies des nerfs, nous devons indiquer les remèdes moraux : on ne sauroit assez recommander aux personnes vaporeuses de se distraire, de se dissipper d’une manière agréable ; de se promener à l’air libre, de varier sur-tout le lieu de leurs promenades, de renoncer à une vie intérieure, solitaire, d’éviter de se livrer à la méditation, à des objets lugubres, & à certaines idées noires & sombres, qui pour l’ordinaire jettent dans la mélancolie. On doit compatir à la triste situation des malades, & les dissuader adroitement de leur illusion. La gaîté, les amusemens, l’exercice sur une petite monture, ou en voiture, les assemblées, doivent entrer dans leur régime de vie ; mais parmi tous ces remèdes je regarde la musique comme le plus puissant de tous ; en effet, la musique est un art délicieux créé pour charmer la vie. Son impression sur les nerfs a un pouvoir irrésistible. Un musicien habile peut vous faire éprouver à son gré, toutes les passions les plus contraires. Il n’a pas besoin pour cela d’exécuter des airs composés avec réflexion. Il lui suffit de s’abandonner à son génie & de varier sur un instrument, tous les modes capables d’exciter les sensations qu’il veut produire ; s’il éveille en vous un sentiment de force & de courage, bientôt par une mélodie enchanteresse, il fait résonner à votre oreille les préludes de la volupté. Il vous fait passer de la tendresse à une mélancolie douce, qui va jusqu’à vous arracher des larmes. Elles coulent encore, lorsqu’il vous force à sourire à l’air gai qui ramène le calme dans votre ame. C’est ainsi qu’un musicien célèbre dans l’antiquité, fit passer les courtisans d’un grand roi, de la gaîté la plus folle, à une fureur martiale, qui les fit courir aux armes, & qui les appaisa subitement en changeant le motif de son air.

Tirthée rendit les Lacédémoniens victorieux en les animant par des airs guerriers. Mais sans chercher dans l’histoire ancienne, quelle impression le son réuni des instrumens ne fait-il pas dans nos armées ? le cœur le plus lâche en acquiert une sorte de fierté, & le soldat vraiment courageux sent alors redoubler son impatience pour le combat.

Qu’il me soit permis de rappeler ici qu’un prélat, aussi célèbre par son éloquence, que recommandable par sa piété, qui lui mérita le nom de père de l’église, que l’immortel Bossuet, voulant éprouver les effets de la musique, fut obligé d’imposer silence aux musiciens qui lui inspiroient des sentimens inconnus de volupté.

Un moyen qui a tant d’empire sur les sens, qui produit sur l’ame