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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/653

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pesamment & avec peine ; le mâle, au contraire, est vif & sémillant.

Ces papillons n’ont besoin d’aucune nourriture ; ils ne jouissent de cet état parfait, que pour reproduire leur espèce. À peine sont-ils sortis du cocon qu’ils secouent leurs ailes, en battent avec une rapidité incroyable & s’accouplent ensuite. Peu de temps après le mâle meurt. La femelle ne tarde pas à pondre des œufs très petits : ils sont d’abord d’un blanc cendré ; ensuite jaunes blancs ; enfin l’air leur donne une couleur brune, plus ou moins foncée. Ce sont ces œufs qu’on nomme graine de vers à soie.

Section V.

Des différentes espèces de vers à soie.

En Europe nous ne connoissons qu’une seule espèce de vers à soie. Ceux qui diffèrent en couleur, ou qui produisent des cocons blancs, ne sont que des variétés occasionnées par des causes que les meilleurs observateurs n’ont pas encore pu découvrir. Il y a des années où l’on voit beaucoup de vers à soie noirs, dans une éducation ; d’autres fois ils sont très-rares, & à peine en apperçoit-on quelques-uns. Si l’on ne met que des cocons blancs pour avoir de la graine, les vers qui en proviendront feront des cocons blancs en très-petite quantité, & les jaunes domineront toujours. Ce fait est certain, & constaté par l’expérience que j’en ai faite ; d’où je conclus que nous n’avons que des variétés, & non pas des espèces. Il en est de même des vers qui produisent des gros & des petits cocons, dont la couleur varie. Ces différences dépendent du climat ou de la nourriture ; mais elles ne constituent pas une espèce.

En 1757, la veuve Lottin mit eu vente, à Paris, un livre dont le titre étoit : l’Art de cultiver les mûriers blancs & d’élever les vers à soie. Il est dit dans cet ouvrage : « Les Chinois, outre le ver à soie domestique qu’ils ont connu avant toutes les autres nations, en ont deux espèces qui sont sauvages, & qui pourroient être d’une très-grande utilité en Europe, si on les introduisoit, parce qu’on a le profit de la soie sans avoir l’embarras de les élever. Les Chinois appellent ces deux espèces de vers sauvages, Tsuen-Kien, & Tyan-Kien. Ils sont semblables à des chenilles ; mais l’espèce tsuen-kien, est plus grosse & plus noire que nos vers à soie, & les autres se trouvent dans les champs, sur les arbres & sur les buissons ; mais on remarque qu’ils préfèrent les jeunes feuilles de chêne. »

« Ces vers sauvages ne font point de coque comme les vers domestiques. La soie consiste en de longs fils qu’ils attachent aux arbres & aux buissons, apparemment pour s’y suspendre, ou pour aller de branche en branche, & ces arbustes sont quelquefois tous couverts de ces fils, que les Chinois ont grand soin de ramasser ».

« La soie de ces vers sauvages est moins fine que celle des vers domestiques ; mais elle a plusieurs qualités que n’a pas la soie ordinaire : elle résiste mieux au temps, elle est fort épaisse, ne se coupe jamais, & elle se lave comme la toile. Les Chinois en font une étoffe qu’ils appellent Kien-cheu, & qu’on prendroit pour un gros droguet quand on ne la