Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/672

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais ces bas deviennent insuffisans ou nuisibles, lorsque la saison est décidée à la pluie, comme il arrive quelquefois, ou même lorsque la pluie ne dure que quelques jours ; parce qu’alors toute l’atmosphère est humide, & par conséquent son humidité tend à se mettre en équilibre avec celle du magasin à feuilles. On ne peut donc pas en tenir les fenêtres ouvertes, & l’humidité reste concentrée dans le magasin. Le feu des cheminées, la chaleur des poëles, en dissiperont en vapeur, il est vrai, une partie ; mais pour peu qu’en les pousse, la chaleur réunie à l’humidité accélérera la fermentation des feuilles, & par conséquent leur décomposition, enfin leur putréfaction. Dans le grenier, au contraire, l’espace est immense, les feuilles peuvent être étendues sur des toiles, & n’être pas amoncelées les unes sur les autres ; enfin la chaleur des tuyaux de poëles correspondans dans la cheminée, y établira un point de réunion de chaleur plus fort que celui qui subsiste dans le grenier, & par conséquent elle y établira, 1°. un courant d’air que suivra l’humidité ; 2°. attirera tout le mauvais air disséminé dans le grenier, & produit par la transpiration des feuilles. En remuant de temps à autre ces feuilles sans les froisser, elles seront bientôt sèches, & en état d’être données aux vers sans crainte de leur nuire. Cependant si les tuyaux de poële ne donnoient pas une chaleur suffisante, & capable d’établir un grand courant d’air, il conviendroit de faire un feu clair & ardent dans l’une des deux cheminées des extrémités, & non pas dans toutes les deux à la fois, parce que nécessairement l’une ou l’autre tireroit mal, attendu que les courans d’air se contrarieroient. Ce n’est donc pas en raison de la chaleur qui résulte de ce feu, que je propose ce moyen, puisque cette chaleur, quelque activité que l’on suppose au feu, doit être comptée pour peu, en raison de la vaste étendue du grenier ; mais je le propose comme le meilleur & le plus sûr des ventilateurs, quand même tous les vitraux du grenier seroient fermés. Ils sont inutiles dans cette circonstance pour accélérer le courant d’air ; celui qui vient par l’escalier, & du reste de l’intérieur de la maison, suffit pour chasser & faire passer avec lui dans la cheminée, toute l’humidité produite par les feuilles étendues sur le plancher du grenier ; tout courant d’air un peu fort dessèche dix fois plus vite que la chaleur & que le gros soleil. C’est une vérité démontrée en physique & sur laquelle je n’insisterai pas.

Toute espèce de mouillure de pluie sur les feuilles est-elle également nuisible aux vers ? M. l’abbé Sauvages, à si juste titre connu par son excellent Traité sur les mûriers & sur l’éducation des vers, & qui mérite encore plus de l’être par ses vertus & la douceur de son caractère, s’explique ainsi : « J’ai fait deux ou trois fois l’épreuve de servir à mes vers de la feuille légèrement arrosée, ou plutôt aspersée avec de l’eau de pluie, & je vis clairement que certaines pluies ne leur donnaient point de mal, tandis que d’autres les tuoient : il venoit à ces derniers, d’abord après avoir mangé, une goutte de liqueur brune à la bouche, qui est le signe ordinaire lorsqu’ils sont empoisonnés. J’ai essayé de donner, une année, de