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ne se donnant que successivement, les troupeaux paissent dans celles de ces terres qui ne sont pas encore labourées. Ils sont conduits en même temps dans les champs qui ont récemment produit des grains de mars, mais moins fréquemment d’abord, afin de les leur conserver comme une ressource pour le temps où toutes les terres qui ont produit du froment sont labourées.

À cette époque, les bêtes à laine ne trouvant que très-peu d’herbe à brouter, on les nourrit de la manière que je viens de détailler.

C’est peu de temps après Pâques qu’on donne la première façon aux terres qui ont rapporté des grains de mars ; ce qui se continue jusqu’à la mi-mai, temps où se donne, mais lentement, la seconde façon appelée binage. La troisième ne doit se donner qu’après la moisson, immédiatement avant les semailles.

S’il vient un temps favorable, il croît de l’herbe dans les labours de première & seconde façon. Cette herbe propre à rafraîchir les bêtes à laine, corrige les effets de la nourriture sèche & échauffante qu’elles prennent à la bergerie. Aussi est-elle fort recherchée ; mais s’il ne tomba point d’eau, en sorte que l’herbe ne puisse pousser sur les jachères, on nourrit encore plus ou moins les troupeaux en leur donnant des gerbes de froment presqu’entièrement battu, & en leur faisant paître sur les champs de la vesce en herbe, sur-tout à l’approche de la moisson.

Dans les cantons où j’ai observé la maladie du sang, on ne parque ordinairement que pendant environ trois mois, depuis la moisson, qui commence à la mi-juillet, jusqu’à la Toussaint. C’est parce qu’il n’y a que très-peu ou point d’herbe sur les jachères, que les fermiers ne veulent pas parquer plutôt. Il est à remarquer qu’en Beauce les parcs s’établissent au milieu des plaines, où il n’y a nul abri contre l’ardeur du soleil, qui tombe à plomb sur les bêtes à laine qu’on y renferme au milieu du jour.

Pendant que la moisson se fait, on conduit les troupeaux, d’abord dans les chaumes du froment ; où ils trouvent beaucoup d’herbes & des épis de froment ; c’est alors que la maladie du sang est dans toute sa force : on les mène ensuite dans les champs où l’on a récolté des grains de mars. Ils n’ont point d’autre pâturage jusqu’à la Toussaint.

À ces circonstances, capables de déterminer sans doute la maladie du sang, il s’en joint une autre qui dispose les bêtes à laine à la contracter ; c’est l’état des bergeries de la Beauce, toujours trop étroites, trop basses, trop peu aérées. On y laisse amonceler des fumiers qu’on n’enlève qu’une ou deux fois par an, en sorte qu’en tout temps il y a une chaleur & une fermentation considérables.

Enfin, plus les mois qui précèdent la moisson sont secs, plus il fait chaud dans les mois de juillet & d’août, & plus on perd des bêtes à laine de la maladie du sang. Lorsqu’elle se déclara en 1775, année où elle fut meurtrière, il faisoit depuis long-temps une grande sécheresse qui avoit tari les mares & empêché les herbes de pousser. En 1780 & en 1781 les circonstances ayant été les mêmes qu’en 1775, on éprouva une mortalité aussi fu-