Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

feuilles d’if, qui donne la térébenthine, & l’épicea d’où découle la poix grasse. Ils pensent que tous les autres ne sont que des variétés provenues de la graine de ceux-ci ; cependant j’ai constaté, continue M. le Baron de Tschudi, que les semences de toutes les espèces de notre catalogue, rendent constamment les mêmes arbres sans nulle différence, excepté l’épicea ou pesse, qui m’a donné souvent, par sa graine, des variétés dans la longueur des feuilles & des cônes ; ce qui m’a porté à croire que le sapin à fruit long incliné, en est une, quoique l’on assure que la première semence avec laquelle on l’a élevé en Angleterre, nous a été apportée d’Amérique ; d’où résulte une confusion d’idées ; car la nomenclature des sapins varie beaucoup. Ce qu’on nomme a Paris & dans presque toute la France, vrai sapin, est appelé en Suisse & dans les provinces voisines, comme la Franche-Comté & l’Alsace, sapin blanc ; & ce qu’on appelle à Paris epicia ou epicea, est appelé dans les mêmes pays sapin rouge, & dans les provinces méridionales du royaume, faux sapin.

13. Sapin ou abri-tempête. Je ne cite point cet arbre comme une espèce distincte, je pense au contraire que c’est le sapin commun, n°. 1. ; mais il devient singulier. Les habitans des montagnes de la Suisse lui ont donné ce nom, par ce qu’il étend ses branches latéralement, de façon à faire un ombrage immense & très-épais, sous lequel les hommes & les troupeaux vont se mettre à l’abri dans le temps des orages qui sont très-fréquens dans ces montagnes. On conserve précieusement de tels arbres par l’utilité dont ils sont, & il est défendu de les abattre. Le point de la difficulté sur les particularités de leur forme, est de savoir si c’est par art ou naturellement que ces arbres prennent cette forme. Les uns assurent qu’on coupe la tête de ces arbres, & que cette opération force les branches à s’alonger, & comme les branches croissent parallèlement, elles forment à la longue ces abris salutaires. J’ignore si telle est la méthode suivie, & je ne le crois pas, parce que j’ai toujours observé que les sapins dont la tige avoit été rompue, soit par un coup de vent, soit autrement, ne profitoient plus, & que la pourriture qui s’établissoit dans l’endroit de la cassure, gagnoit insensiblement jusqu’aux racines. Il n’est donc pas vraisemblable que la cassure d’un sapin déja un peu fort, puisse le convertir en abri-tempête. Si cette opération doit réussir, ce doit être plutôt lorsque l’arbre est encore très jeune ; mais dans ce cas il repousse une nouvelle tige qui s’élève fièrement, si le climat & le sol conviennent à l’arbre. Il me paroît que l’explication de ce phénomène tient à une cause plus simple… Lorsqu’on est arrivé sur les montagnes à une certaine hauteur, le sapin n’y croît plus, & même on pourroit calculer la hauteur de la montagne, par celle des sapins, c’est-à-dire, que si leurs tiges sont altières, à 20, 30, ou 40 toises plus bas, & si leur hauteur diminue à mesure qu’on s’élève sur la montagne, il y aura un point de démarcation où le sapin ne croîtra plus. Actuellement que l’on suppose un sapin isolé, comme le sont presque tous les abris-tempêtes + ce sera donc à son isolement & à la hauteur