Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/126

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une occasion d’éclairer ceux qui, confondant sans cesse les causes avec les effets, ne trouvent de remède au mal dont ils s’alarment, qu’en proposant une question que j’appellerais volontiers un blasphème politique, et qu’ils posent ainsi : les vignes ne sont-elles pas nuisibles à la prospérité rurale de la France ? ne seroit-il pas avantageux du moins d’en restreindre la culture ?

Ce même principe est encore, à mon avis, un argument sans réplique contre les projets des partisans exclusifs et irréfléchis des petites cultures, du morcellement des divisions et subdivisions à l’infini des propriétés, qui refusent de voir que c’est là, précisément là, que les moyens sont toujours inférieurs à ceux qu’exigeroit une bonne culture.

On peut ranger sous trois classes principales le plus grand nombre des propriétaires de vignes ; savoir : les propriétaires résidens non ouvriers, qui font cultiver par autrui et qui récoltent par eux-même ; les propriétaires ouvriers vignerons, et les propriétaires soit absens soit résidens qui sont dans l’usage d’affermer ou de faire cultiver et de récolter, à moitié fruits. Les premiers en général ne manquent pas, si l’on veut, des moyens strictement nécessaires aux premiers besoins ; mais ils languissent, la plûpart, dans un état de gêne, de médiocrité, qui seulement les laisse vivre, si j’ose m’exprimer ainsi. Leur manière d’être n’est pas la pauvreté elle-même ; mais elle l’avoisine de si près, que les enfans ne peuvent aller chercher mille part l’éducation, les connoissances qui procurent ou du moins qui tiennent lieu de la fortune. À la mort du chef de la famille, le domaine est divisé en autant de part que l’on compte d’héritiers ; et ceux-ci se trouvent introduits dans la classe des pauvres, par cela même qu’ils sont devenus propriétaires, et qu’ils se reposeront infailliblement sur le genre de reproduction le plus incertain ; car il n’a une valeur positive déterminée que pour ceux qui peuvent le calculer sur le taux moyen de sept années du revenu.

Les ouvriers vignerons ont non seulement à lutter contre les funestes effets des divisions territoriales, bien plus multipliées encore dans cette classe que dans la première, parce que la procréation y est plus grande ; mais encore contre les suites inséparables d’une culture essentiellement négligée. Pressés sans cesse par les besoins sans cesse obligés de recourir à des salaires, incessamment tourmentés du désir de travailler leur propre héritage, ils se pressent, s’excèdent de fatigues, ne donnent par-tout que des façons incomplettes ; et leur bien, comme celui du voisin qui les a occupés, languit dans le plus mauvais état de culture. Bien plus heureux sont les ouvriers vignerons qui, dégagés de la manie d’être propriétaires, savent borner leur ambition aux seuls bénéfices de leurs entreprises, parce que ceux-ci ne leur manquent jamais.

Que dirons-nous de ceux qui