Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/141

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les provinces, d’avoir attention qu’en leurs territoires les labours ne fussent délaissés pour faire plants excessifs de vignes. Enfin, quoique les lumières acquises pendant le cours des deux siècles eussent dû propager les bons principes en économie politique et rurale, il ne fut pas moins défendu, sous le règne de Louis XV en 1731, de faire de nouvelles plantations de vignes, et de renouveler par le travail celles qui seroient restées incultes pendant deux années seulement. Pourquoi contraindre, pourquoi décourager sans cesse le cultivateur et ne pas lui laisser la faculté, pour payer les charges dont on l’accable, de tirer le meilleur parti possible de son champ ? Il en connoît la qualité mieux que personne, mieux que les hommes d’état eux-mêmes.

La plantation des vignes, aux environs de Paris, remonte à des temps bien reculés, puisque l’empereur Julien a donné des éloges aux vins qu’elles produisoient. On a déjà parlé de celles de Montmorency, de Deuil, de Marli, de Gonesse, de Riz et d’Argenteuil. Renaud, comte de Boulogne, en posséda, dans ce dernier territoire, qui passèrent ensuite à Philippe Auguste : lequel les donna à Guérin, évêque de Senlis. Un certain Boileau, qui vivoit sous Philippe-le-Bel, fit présent aux chartreux de Paris d’une vigne située dans le même canton ; et les moines regardèrent ce legs comme si précieux, que, par reconnoissance, ils inhumèrent le donateur dans leur grand cloître[1]. Lorsque les économes de la maison du roi avoient fait choix, pour la bouche, d’une certaine quantité de vin, produit dans les enclos des domaines situés à Paris, il faisoient crier la vente du surplus dans les rues ; et pendant cette criée, toutes les tavernes de la ville étoient fermées. Une ordonnance de Louis IX, sous l’année 1268, porte : se li roy met vin à taverne, tuit li autres tavernier cessent ; et li crieurs tuit ensemble doivent crier le vin le roy, au matin et au soir, par les carrefours de Paris. Liébaut parle avec éloge des vins de Sèvre et de Meudon ; l’abbé de Murroles, de ceux de Surêne, Ruel, et St.-Cloud. Ces mêmes vins, dit Pierre Gauthier de Roanne, auxquels il ajoute celui de Riz, font les délices du monarque. C’est de Louis XIV qu’il parloit, et ce prince étoit alors âgé de trente ans. Vive le pain de Gonesse, écrivoit Patin en 1669, avec le bon vin de Paris, de Bourgogne et de Champagne, sans oublier celui de Condrieux, le muscat du Languedoc, de Provence, de la Ciotat et de St-Laurent ! Enfin Paumier, médecin normand, qui a écrit sur le cidre et sur le vin, ne parle qu’avec enthousiasme des vins français : c’est ainsi qu’il nomme ceux de l’île de France. Il va jusqu’à leurs donner la préférence sur ceux de

  1. Histoire du diocèse de Paris, par l’abbé Lebœuf.