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qu’on oblige une plante à pousser, sont préférables à celles que l’on coupe, c’est encore avancer un paradoxe. Les racines écourtées emploient un tems infini à reprendre, ne rapportent que tard, ne profitent que foiblement et finissent souvent par mourir avant la reprise. Quand vous plantez, contentez-vous, en général, de raccourcir jusqu’au vif celles qui sont mortes, chanciées ou cassées.

Les plants enracinés de la vigne sont plus délicats que les jeunes arbres des autres familles de végétaux. En supposant des fosses ou des tranchées assez profondes, assez ouvertes pour les contenir sans qu’ils soient à la gêne, leurs racines s’y trouveront encore déplacées. La nourriture et les suçoirs ne seront plus dans la même direction ; il faudra un assez longtems pour que les circonstances par lesquelles le suc nourricier et les bouches des racines capillaires tendoient à se rapprocher mutuellement, s’établissent de nouveau. D’ailleurs, le plant enraciné est communément tiré des pépinières ; on forme ces pépinières dans les jardins, c’est-à-dire, dans des terres bien supérieures en qualité à celles dans lesquelles on les transplante pour former une vigne. Dans les pépinières il reçoit des engrais et même des arrosemens au besoin. Une fois converti en vigne, il est tout-à-coup sevré de ces avantages, et il doit être d’autant plus sensible que son penchant naturel le porte à se substanter, on peut le dire, jusqu’à l’indiscrétion.

Pour peu, en outre, qu’il s’écoule de tems entre l’arrachage et la transplantation, les racines les plus ténues, et ce sont les plus agissantes, se dessèchent et perdent cette souplesse qui leur est si nécessaire pour remplir les fonctions auxquelles elles sont destinées. Si l’ouvrier n’a pas l’attention, trop gênante, trop minutieuse pour qu’on y puisse compter, de rendre à chaque individu le genre d’exposition qu’il avoit dans la pépinière, de donner celle du Nord au côté qui a déjà été accoutumé à son action, et au Midi celle dont les pores ont été déjà dilatés par la chaleur ; la plante succombera bientôt, il lui faudra du moins beaucoup de tems pour qu’elle s’acclimate de nouveau. Ainsi, quoiqu’au premier apperçu on puisse croire qu’il y ait à gagner du tems en préférant les plants enracinés aux plants de bouture, parce que dans les premiers les racines sont déjà formées et qu’il ne s’agit que de leurs reprises, tandis que dans les seconds elles ont à se développer et à croître, ce n’en est pas moins une erreur. L’expérience prouve que ce tems de la reprise des chevelus est tout aussi long dans les plants enracinés que celui de leur formation dans les crossettes ou les boutures. Celles-ci n’ont encore contracté aucune habitude ; très-mobiles dans leur manière d’être, quand elles faisoient encore partie du cep dont on les a détachées, elles ont été accoutumées dès leur naissance à recevoir indistinctement de toutes parts les impressions de la chaleur et de la froidure. Le prompt et l’entier succès