Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/360

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obligé de partager ses soins entre plusieurs genres de culture, ne peut mettre la même assiduité dans la direction et l’entretien de ses treilles, qui sont plutôt pour lui un objet d’agrément que d’utilité : mais il ne falloit pas laisser ignorer que les succès extraordinaires qu’obtiennent les habitans de Montreuil, de Fontainebleau, et de Tomeri, tiennent aux grands soins qu’ils donnent à cette sorte de culture ; et il faut convenir aussi qu’ils y sont provoqués par un grand intérêt. Revenons aux ennemis des treilles.

Plus elles sont éloignées de la maison, moins on les visite, et plus le raisin est exposé à devenir leur proie. Les rats et les loirs, les mouches, les oiseaux, ceux à gros bec sur-tout, lui font une guerre continuelle. Les grains les plus doux, les plus mûrs, ou les plus prêts de la maturité, sont constamment l’objet de leur choix : ils ne s’y trompent jamais. On tend des assommoirs, des quatre-de-chiffre, pour détruire les petits quadrupèdes ; on suspend de distance en distance des fioles aux trois quarts remplies d’eau sucrée ou miellée, pour attirer et noyer les mouches. Pour soustraire le raisin à la voracité des oiseaux, on a imaginé d’introduire les grappes, ou dans des sacs de papier huilé, ou dans des sacs de crin. Mais ces divers moyens ne sont pas sans inconvéniens. Les sacs de papier huilé sont un obstacle à la circulation de l’air, à l’action des rayons du soleil ; le raisin qu’ils enferment mürit mal, et n’est jamais coloré. Ce n’est pas tout ; les rats attaquent, mangent ou déchirent ces sacs ; et quand ils restent entiers, ils communiquent au raisin un goût de rancidité. Le tissu des sacs de crin est moins serré, l’air pénètre à travers leur tissu ; mais le soleil n’atteint pas le fruit qu’ils contiennent. Agités par les vents, pendant les orages et les tempêtes, les pointes dont leur intérieur est hérissé frappent incessamment les grains, les meurtrissent, et les disposent, par toutes ces petites plaies, à contracter promptement la pourriture. Le raisin ainsi conservé ne peut donc être un fruit de garde ; mais, sous cette enveloppe de crin, il n’est pas même à l’abri de l’attaque des merles et des geais. Quand aucune autre récolte ne couvre plus la terre, à l’époque où le raisin est le seul fruit qui pende encore aux arbres, ces oiseaux, pressés sans doute par la faim, dirigés par l’instinct que la nature leur a départi, devinent, on ne sait comment, que ces sacs recèlent un aliment précieux ; ils les attaquent à coups de bec avec une vigueur, avec un acharnement qui leur assure toujours la victoire, si un coup de fusil tiré à propos ne les frappe de terreur, et ne les disperse. Quelque mobiles que soient les épouvantails, quelque forme grotesque qu’on leur donne, quelque soin que l’on prenne de les changer souvent, les oiseaux s’y habituent, et ne tardent pas à les braver. Mais j’ai vu des treilles voisines même des grands bois, où ces animaux sont plus nombreux que par-tout ailleurs, entièrement garanties de leurs attaques, par