Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/380

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cantons de vignobles pour juger de la maturité du raisin ; et nul n’avoit le droit de le couper, que lorsque la permission en étoit solemnelleraent proclamée. Ces usages antiques étoient consacrés dans les pays renommés par leurs vins : leur réputation étoit regardée comme une propriété commune.

Et malgré qu’un tel usage entraînât quelque inconvénient, c’est peut-être à sa religieuse observation que nous devons d’avoir conservé, dans toute son intégrité, la réputation des vins de Bordeaux, de Bourgogne et autres pays de la France. On appellera, si l’on veut, un tel règlement servitude ; on invoquera, pour le proscrire, le droit sacré de propriété, de liberté, etc. ; on fera reposer la garantie de l’intérêt général sur l’intérêt du propriétaire : Je n’entreprendrai pas de discuter, en ce moment, une question aussi sérieuse ; mais j’observerai seulement que l’établissement de tels usages en paroît démontrer la nécessité, parce qu’il suppose des causes qui l’ont rendu nécessaire. J’ajouterai que leur abolition a mis la fortune publique à la merci de quelques particuliers ; que l’individu qui coupe prématurément ses raisins, force ses voisins à l’alternative d’une vendange précoce ou d’une spoliation assurée ; que l’étranger n’ayant plus de garantie pour ses achats, retire ses ordres parce qu’il ne sait plus où reposer sa confiance. L’individu ne voit jamais que le moment ; il appartient à la société de prévoir l’avenir. Elle seule peut conserver et perpétuer cette confiance, sans laquelle le commerce n’est qu’une lutte pénible entre le fabricant et le consommateur.

Tout le monde convient que le moment le plus favorable à la vendange, est celui de la maturité du raisin ; mais cette maturité ne peut être connue que par la réunion des signes suivans.

1°. la queue verte de la grappe devient brune.

2°. La grappe devient pendante.

3°. Le grain de raisin a perdu sa dureté ; la pellicule en est devenue mince et translucide, comme l’observe Olivier de Serres.

4°. La grappe et les grains de raisin se détachent aisément.

5°. Le jus du raisin est savoureux, doux, épais et gluant.

6°. Les pépins des grains sont vuides de substance glutineuse, d’après l’observation d’Olivier de Serres.

La chute des feuilles annonce plutôt le retour de l’hiver que la maturité du raisin : aussi regardons-nous ce signe comme très-fautif, de même que la pourriture que mille causes peuvent décider, sans qu’aucune nous permette d’en déduire une preuve de la maturité. Cependant lorsque les gelées forcent les feuilles à tomber, il n’est plus permis de différer la vendange, parce que le raisin n’est plus susceptible de mûrir. Un plus long séjour sur le cep ne pourroit qu’en décider la putréfaction.

En 1769, les raisins encore verts, dit Rozier, ont été surpris par les gelées des 7, 8 et 9 octo-