Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/41

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vateurs, 1°. en ce que leur conduite n’est pas le résultat d’un système abstrait, ni du conseil de quelques agronomes physiciens mais celui de leur propre expérience ; 2°. en ce qu’un étalon sédentaire, quelque bien nourri qu’il soit, qui par son esclavage ne peut se livrer à tous les mouvemens que la nature lui inspire et qu’il manifeste avec tant d’ardeur à la vue d’une jument, peut réellement perdre de ses moyens de génération ; 3°. en ce qu’un étalon sédentaire nourri au sec a toujours un nombre de jumens disproportionné à ses facilités ; 4°. en ce qu’un étalon qui vit habituellement dans les champs, qui paît la même herbe, dans la même saison, peut réellement avoir plus de chances pour la fécondation, et que ce dernier encore, n’a qu’un très-petit nombre de jumens à monter ; 5°. en ce qu’une jument qu’on a mis au verd récemment, qu’on mène à un étalon sédentaire, peut n’être pas disposée et ne pas retenir, tandis qu’une jument d’un haras singulier, libre dans le champ, peut échapper aux poursuites du cheval : ou si après avoir été montée, elle redevient en chaleur, le cheval peut encore les monter : avantage qu’on n’a pas avec les étalons sédentaires 6°. enfin une jument saillie dans les champs n’a point à éprouver les courses, les fatigues d’un voyage ni les traitemens ridicules qu’on fait souvent aux jumens conduites à un étalon sédentaire.

Je pourrais exprimer encore beaucoup de motifs et exposer d’autres doutes, mais je me borne à dire, d’après ma propre expérience, puisque j’habite un pays où les haras champêtres sont en usage, qu’il y a réellement plus de chances pour la fécondation par la première méthode que par la seconde. Il est à désirer que le gouvernement fasse faire sur un article aussi important des expériences comparées dans ses haras ; la direction en est confiée à des hommes dont je connois tout le zèle et dont le talent m’est particulièrement connu ; je leur lègue ces réflexions pour les progrès de l’éducation d’un animal dont l’existence et la multiplication tiennent en quelque sorte à la force politique de l’état. Heureux les Français, quand ils ne s’en occuperont que pour les progrès de l’agriculture et l’accroissement des choses qui constituent l’économie politique !

Que ceux donc qui dirigent les haras, que ceux qui en ont de particuliers, ne craignent pas de voir leurs étalons s’abandonner à une fougue long-tems impétueuse ; abandonnés à eux-mêmes, ils seroient bientôt calmes : les vieux étalons ordinairement vicieux et lubriques, par suite de leur esclavage, pourroient ne pas répondre au succès ; mais qu’on en forme à ce dessein, qu’on accoutume les jeunes chevaux à vivre avec les jumens, qu’on s’occupe plutôt à leur donner des forces, que de l’ardeur à soutenir la vigueur par un travail modéré (par celui de la charrue), au lieu de les énerver par le repos.